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l’empereur Guillaume II, toujours prêt à semer la division, à dresser des embûches, à édifier sa fortune sur l’échec ou la ruine d’autrui. Il est établi dans ces documens qu’au même moment où l’Allemagne invitait la Russie à s’étendre au Sud de l’Amour, elle poussait le Japon à s’entendre avec la Grande-Bretagne pour barrer la route à la Russie. Et lorsque le comte Hayashi, pour se rendre compte des véritables intentions de l’Allemagne, demandait à son collègue allemand à Londres si son gouvernement ne serait pas éventuellement disposé à se joindre au Japon et à l’Angleterre dans un accord commun, le représentant de Guillaume II s’empressait d’éluder une telle offre dont l’acceptation eût si fort gêné la duplicité teutonne.

L’alliance anglo-japonaise était suivie, deux ans après sa conclusion, de la guerre entre le Japon et la Russie, de la défaite des armées du tsar, de l’élévation du Japon au rang de grande Puissance. Les États-Unis avaient, pendant la guerre, prêté leur appui moral et leur concours financier au Japon : ils intervinrent comme médiateurs pour la paix dont le président Roosevelt fut à Portsmouth l’heureux inspirateur. Le Japon, devenu la Puissance prépondérante (paramount power) de l’Extrême-Orient, allié de l’Angleterre, uni à l’Amérique par une amitié demi-séculaire à laquelle la paix de Portsmouth imprimait le sceau suprême, ne pouvait qu’inspirer confiance aux deux Puissances de même sang et de même tendance, dont la politique s’inspirait des principes auxquels il avait lui-même obéi. L’Extrême-Orient et le Pacifique apparaissaient dès lors placés sous une même constellation formée de l’Angleterre, du Japon et des États-Unis.

À cette constellation en accéda et s’agrégea très vite une autre. Le traité de Portsmouth, homologué par le traité de Pékin du 22 décembre 1905 entre le Japon et la Chine, eut pour conséquence presque immédiate le rapprochement, la conjugaison entre l’alliance anglo-japonaise et l’alliance franco-russe dont les principes et les buts en Orient étaient désormais identiques. Par les accords respectifs des 10 juin, 30 juillet, 31 août 1907 entre le Japon et la France, le Japon et la Russie, la Russie et l’Angleterre, par l’entente qui en résultait entre les trois grandes Puissances européennes et la grande Puissance asiatique, le statu quo de l’Asie orientale, l’indépendance et l’intégrité de la Chine, la politique de la porte ouverte