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Pouvoir de la mer » (sea power), commence à réfléchir sur elle-même, sur l’Europe, sur l’Orient » sur la position unique du Nouveau Monde entre les deux anciens mondes et les deux Océans, elle est obligée de regarder au dehors. Le résultat de ces réflexions est de lui faire comprendre qu’entre l’Asie qui s’éveille et l’Europe qui se partage les dernières terres restées vacantes de l’univers, son plus pressant devoir est de s’armer, d’accroître sa marine, de défendre ses côtes, de hâler l’achèvement du canal isthmique et de s’assurer sur les deux Océans les points d’appui qui lui sont nécessaires.

Lorsqu’en 1898, après une guerre de quelques mois avec l’Espagne, la République des États-Unis émancipa Cuba, occupa Porto-Rico et les Philippines, non sans avoir consommé au cours même de cette guerre l’annexion des îles Hawaï, devant laquelle avait d’abord reculé le président Cleveland, elle s’était mise par là même en mesure de protéger les abords de son double littoral, elle devenait grande Puissance du Pacifique et de l’Extrême-Orient et prenait rang parmi les Puissances mondiales. C’était une vraie et inéluctable révolution coïncidant avec celle des deux grands États de l’Asie orientale et avec la lutte à laquelle se livraient sur les continens et les mers les impérialismes rivaux des grandes Puissances du globe. Les États-Unis étaient désormais prêts, sinon à prendre eux-mêmes part à cette lutte, du moins à affirmer leur puissance, à revendiquer leurs droits et à ne permettre, ni que le continent américain fût menacé, ni que sur aucun des deux Océans un pouvoir, une hégémonie s’élevât qui pût troubler la situation nouvelle ainsi créée et gêner, soit à l’Est, soit à l’Ouest, la liberté du monde. Une dernière sécurité, un dernier rempart était encore à conquérir pour que les États-Unis se sentissent entièrement libres et saufs dans l’exercice de leurs droits de défense : c’est qu’à la convention Clayton-Bulwer, signée le 19 avril 1850 entre eux et l’Angleterre, fût substitué un nouveau traité qui, tout en maintenant la neutralité du canal, reconnût au seul gouvernement des États-Unis le droit de construire sous ses propres auspices le canal interocéanique, d’en assumer l’administration et le contrôle. C’est à quoi devait pourvoir, après une assez longue négociation, le traité signé à Washington le 18 novembre 1901 entre lord Pauncefote, ministre d’Angleterre, et M. John Hay, secrétaire d’État des