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point chaque détail. Lui aussi, il est constructeur. En février, il écrit à son père : « Mon avion (l’avion magique) dépasse les plus belles espérances, et à bref délai on le verra à l’œuvre. À Paris, je me couche tôt et me lève id. Je passe mes journées chez Spad. Je ne pense qu’à cela et m’occupe uniquement de cela. C’est une idée fixe et, si cela dure, je deviendrai complètement idiot. Quand la paix sera signée, je ne veux plus entendre parler d’une arme quelconque pendant six mois… »

Il croit toucher le but. Mais la construction n’avance pas. Toujours quelque imprévu suscite quelque obstacle. Et ce n’est que le 5 juillet (1917), le jour même où le général Franchet d’Espérey doit lui donner la croix d’officier de la Légion d’honneur, au camp d’aviation de l’Aisne, qu’il inaugure enfin l’avion si longtemps attendu, objet de tant de rêves, de tant de volonté, de tant d’espoirs. Dans un combat contre trois D. F. W. l’appareil est percé de balles, et il faut atterrir. C’est à recommencer. Il recommencera dans les Flandres. Il aura le temps, dans sa courte vie, après avoir vu triompher son idée, de l’exécuter lui-même. L’avion magique aura à son actif les 49e, 50e, 51e et 52e victoires de Guynemer.

Comme l’ennemi à la bataille, la volonté de Guynemer a forcé la matière et ceux qui l’accommodent pour les desseins meurtriers des hommes. Quand Guynemer, dans le ciel, déploie ses ailes, Guynemer ainsi armé peut se croire tout-puissant.

Henry Bordeaux.