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sont pas une légende comme ceux de Roland ; en les racontant exactement, c’est plus beau que ce qu’on pourrait inventer. » C’est pourquoi il vaut encore mieux les lui laisser raconter. Il ne dit que le strict nécessaire, mais il y met l’accent, la rapidité et le couic. Cette lettre-ci est du 15 septembre (1916) :


DU MÊME AUX MÊMES

« Du sport.

« Le 16e, dans un groupe de 6 dont 4 serrés à 25 mètres.

« En quatre jours, 6 combats à 25 mètres : des boches en écumoire, mais qui mettent de la mauvaise volonté à se casser la figure, quelques-uns bien touchés tout de même ; puis 5 pugilats entre 5 100 et 5 300. Aujourd’hui cinq combats dont 4 à moins de 25 mètres, et le 5e à 50 mètres. Au 1er, enrayage à 50 mètres. Au 2e, à 5 200 le boche d’émotion perd ses ailes et descend avec la carrosserie séparée sur son aérodrome ; il devait avoir des bourdonnemens d’oreilles (16e). Le 3e à bout portant, un Aviatik de chasse. Trop d’élan : je manque l’emboutir. Au 4e, même plaisanterie sur un L. V. G. dans un groupe de 3 : je manque l’emboutir, je fais une embardée : pan, une balle près de la tête. Au 5e, je nettoie le passager (c’est le 3e cette semaine), puis arrange très mal le pilote à 10 mètres qui, complètement désemparé, finit par atterrir, visiblement avec peine, mais il doit être à l’hôpital… »

Trois lignes pour une victoire, la 16e. Et quels abordages ! Dans son élan, il manque traverser l’adversaire. Les deux vitesses combinées ne font pas loin de 500 kilomètres à l’heure. La rencontre et le tir durent une demi-seconde. Après quoi, le combat reprend sur d’autres manœuvres. Qu’un savant calcule les centièmes de seconde qui sont laissées au coup d’œil et à la pensée pour diriger de tels duels !

C’est l’époque des grandes séries sur la Somme. L’escadrille des Cigognes, venue la première, livrera huit mois de combats ininterrompus. D’autres escadrilles viendront à la rescousse. L’ensemble sera réparti en deux groupes, l’un sous les ordres du commandant Fécamp, l’autre sous le commandement du capitaine Brocard, nommé chef de bataillon. Il devient impossible d’énumérer toutes les victoires de Guynemer. Force est de rechercher les jours où il se dépasse lui-même. Le 23 septembre