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fondeur gauche : l’adversaire plonge, mais semble se diriger encore. Quelques instans après, il attaque avec Deullin un Aviatik et un L. V. G. : il endommage l’Avialik et Deullin abat le L. V. G. Et, avant de rentrer, les deux camarades attaquent encore un groupe de sept qui se disperse. Le 16, Guynemer abat avec Heurtaux un L. V. G. qui tombe les roues en l’air. Après une courte absence pour aller chercher un appareil plus puissant, il réédite le programme quasi quotidien à. partir du 25. Le 26, il engage cinq combats avec des groupes ennemis de 5 à 11 avions. Le 27, il se bat contre trois L. V. G. puis contre des groupes de trois à dix appareils. Le 28, il attaque successivement deux avions dans leurs lignes, puis un drachen qui doit descendre, puis un groupe de quatre avions dont l’un doit atterrir, puis un deuxième groupe de quatre, qui se disperse, mais il poursuit un des fuyards et l’abat. Lui-même, une pale de l’hélice fauchée par les balles, est contraint à l’atterrissage. Voilà le compte de trois journées. Je ne les choisis point.

À n’importe quelle page, le carnet ouvert rend le même son. Le 7 août, Guynemer rentre avec sept éclats d’obus dans son appareil : on le canonnait de terre pendant qu’il chassait quatre avions ennemis. Le même jour, il repart, pilotant Heurtaux qui attaque les tranchées allemandes au nord de Cléry et tire sur un emplacement de mitrailleuse. Des airs, l’avion encourage les fantassins, prend sa part de l’assaut. Les comptes rendus sont de plus en plus brefs. Le lutteur n’a plus le temps de les rédiger : personne n’a le temps à l’escadrille des Cigognes qui mène ses randonnées triomphales. Il faut donc s’adresser à ses lettres, étranges lettres qui ne contiennent rien, absolument rien sur la guerre, ni sur la bataille de la, Somme, ni sur quoi que ce soit hors de sa guerre et de sa bataille. Le monde de la terre n’existe plus pour lui : la terre, c’est ce qui recueille les morts ou les vaincus. Et voici comment il écrit à ses deux sœurs alors en Suisse. Fritz, c’est n’importe quel avion ennemi :


Chères gosses,

« Du sport : le 17, attaqué un Fritz, trois coups et enrayage ; Fritz se casse la figure. Le 18, idem, mais en deux coups : deux Fritz en cinq coups, record.