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« Je ne puis juger des mérites de ces accessions nouvelles dont vous vous applaudissez, sans connaître les noms des écrivains éminens qui s’unissent à vous, dans une même et sage intention ; mais je pense que le salut de la France sera le seul but de tous leurs efforts. Peut-être ferez-vous bien de laisser chacun entendre l’ordre à sa manière, et apporter sa pensée libre et entière au faisceau que vous semblez vouloir grossir et resserrer à la fois. Pour la responsabilité de sa signature, chacun prêtera ses forces, comme l’a dit l’Introduction dont vous parlez ; ses forces seules seront comptées et adoptées, ses faiblesses seront oubliées.

« Vous me parlez encore de la seconde Consultation du Docteur Noir ; ce sera la troisième que vous aurez, car la seconde a été brûlée de ma main. Je m’en félicite aujourd’hui, car je me repentirais de l’avoir publiée.

« Elle eût donné une autorité nouvelle à une idée séduisante, mais dangereuse. Je me sentais emporté alors comme dans une pente rapide par mon imagination, et séduit par l’originalité de la fable et de la composition de cet ouvrage. Je m’arrêtai à temps, quoique peut-être à regret. La conscience l’emporta sur l’émotion de l’invention.

« Ce fut un bon procédé de votre part que de comprendre mes scrupules de vous y rendre, et de laisser de côté la publication de ce volume. N’en regrettez pas l’abandon, qui n’est qu’un retard, et ne vous repentez pas de cet acte de courtoisie et d’amitié de vous et de M. Bonnaire. Vous avez depuis imprimé bien d’autres choses de moi.

« Je ne renonce point à achever cette suite de Stello commencée et assez avancée ; mais en ce moment de déchiremens et de luttes, un roman philosophique comme Stello est une arme moins soudainement utile qu’une discussion directe sans autre forme que celle du discours. Je crois qu’il ne faudrait pas publier ce livre à présent, quand même il serait complet. Je vous ai promis de ne rien livrer de ce genre avant sa publication à aucun recueil, à aucun journal ; j’ai tenu parole, quoique souvent et bien vivement pressé.

« Ce n’est pas du 24 février que date mon silence, et vous savez bien que c’est à la Revue seule que j’ai toujours donné toute idée que je croyais bonne à publier.

« Plus que jamais j’ai dessein de le faire, et d’entrer dans