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FRANÇOIS BULOZ
ET
SES AMIS

On a répandu, depuis qu’elle est fondée, sur la Revue des Deux Mondes, tant de légendes, on a conté, sur le caractère de son fondateur, tant d’anecdotes, que la vraie histoire de la Revue, et le vrai personnage de François Buloz, en demeurent obscurcis et sont, de ce fait, virtuellement inconnus.

Quoique celui-ci ait dit à Alexandre Dumas, en 1845 : « Si l’histoire de la fondation de la Revue des Deux Mondes est faite un jour, elle ne peut être faite que par moi, ou avec mes papiers, » il n’eut jamais le loisir d’entreprendre cette tâche. Sa fille aurait pu le faire. Née dans ce passé, ma mère connaissait admirablement tous ceux qui y avaient vécu, et qui l’avaient illustré ; en outre, elle se souvenait exactement du caractère des hommes qu’elle avait connus ; de leur personnalité, de leurs originalités même. Chez son père, elle avait vu Lelia coiffée de repentirs et Cœlio pincé dans son habit bleu ; Victor Cousin et Sainte-Beuve l’avaient tenue sur leurs genoux ; elle avait joué, petite fille, dans le salon de Mme Mérimée ; bref, il était impossible de l’entendre parler de ce temps sans se demander comment elle n’avait jamais songé à noter des souvenirs si précieux pour l’histoire de nos lettres.

Un jour, ma mère me pria d’entreprendre le dépouillement de la volumineuse correspondance de François Buloz, mon grand-père. C’était écrire l’histoire de la Revue des Deux Mondes. Je me suis donc mise à l’œuvre, voilà dix ans déjà — moi qui n’ai connu ni ce passé, ni les hommes qui en firent l’ornement et la gloire. Fidèlement