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maîtresses du maître. Mais tout s’arrange, au moins provisoirement, quand, de deux interlocuteurs, l’un cède tout ce que l’autre exige. Tout s’est arrangé dans l’Empire jusqu’à la prochaine désillusion. Ni le général de Ludendorff n’est parti, ni encore moins Hindenburg ; ni le comte Hertling, ni M. de Kühlmann. Il n’y a eu qu’une crise domestique. Au lieu de M. de Valentini, chef du Cabinet de l’Empereur, l’état-major, achevant l’encerclement, a mis un homme à lui, Les civils ont juré aux militaires que, pour prix des « sacrifices » consentis à l’Est, ils auraient, à l’Ouest, les mains libres, comme si, Jusqu’à présent, ils les avaient eues enchaînées !

Ce qu’il y a probablement à retenir de cette histoire, ou de ces histoires, sans ajouter une foi absolue à tout ce qui a été raconté, et en tenant dans une juste suspicion une violence de presse qui est trop grande pour n’être pas artificielle, et qui ne serait pas tolérée si elle n’était pas de commande, c’est que, à un degré que nous n’avons pas le moyen de mesurer, l’état de l’Allemagne est troublé. Son état politique et social. D’autre part, certaines expressions employées soit dans le télégramme de l’amiral de Tirpitz, soit dans des articles inspirés, laissent penser que des frictions auraient pu se produire entre elle et son alliée, l’Autriche-Hongrie. Mais ce ne sont que des lueurs dans la nuit. En somme, nous manquons de renseignemens, et il nous faut interpréter des signes. Dans cette obscurité, le mieux, le plus sage ou le plus prudent, est de tabler sur le pire. Pour nous, nous n’avons et nous ne cherchons ni à dissimuler, ni à déguiser nos « buts de guerre » ou nos conditions de paix. Le président Wilson, après M. Lloyd George, les a exposées tout au long. Nous offrons à l’Europe centrale le « traité des Quatorze articles. »

M. de Hertling, devant la commission principale, le comte Czernin devant la Commission des Affaires extérieures de la Délégation autrichienne, viennent d’y faire à la même heure une réponse évidemment concertée quant au fond, mais dont la forme diffère selon leurs tempéramens personnels et nationaux. Si Hindenburg est le matamore de la troupe, M. de Hertling en est le bourru, et le comte Czernin le gracieux. La solution ne s’est point rapprochée d’un pas. Les deux Empires en sont toujours au statu quo ante bellum, comme dernière ligne de retraite. Sur tout ce qui est vague et futur contingent, ils sont précis; sur tout ce qui est précis, positif et immédiat, ils sont vagues. Seulement, cette réponse identique, pour la beauté de l’art, M. de Hertling la grogne, et le comte Czernin la danse.

De même que tout s’arrange, tout arrive; sauf, en Russie, ce qui