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aux frontières mêmes du pays, on ne peut concevoir la même évolution rapide pour une masse de plus de 100 millions d’habitans, répartis dans des États séparés les uns des autres par d’énormes distances, ayant leur vie indépendante et employant leurs ressources sur leur propre sol, dans leurs chemins de fer, leurs cultures ou leurs industries. Cette masse ne connaît que l’Amérique du Nord et bien peu du reste de l’univers ; il faudra donc encore plusieurs années pour qu’elle vive d’une vie plus générale et se mette en contact avec le reste du monde pour le placement à l’étranger du surplus de ses disponibilités.

Assurément, cette évolution est en voie de s’accomplir, car les Federal Reserve Banks établies dans douze des plus grandes places des États-Unis ont, en somme, créé sur ces points des pôles d’attraction pour les capitaux. Mais ce travail de diffusion du capital américain sur des opérations à l’étranger sera forcément très lent, d’autant plus que ce ne sont pas les valeurs nationales en tous genres, sûres, rémunératrices ou spéculatives, qui font défaut, maintenant surtout que les disponibilités seront aussi absorbées par les Emprunts de l’État. Ce sera là l’écueil que rencontrera la politique américaine d’expansion financière, car ce n’est pas avec la seule puissance des banques, ou à coups de syndicats, qu’on peut soutenir un effort continu ; il faut le concours du public, c’est-à-dire des capitalistes de la moyenne et même de la petite épargne, pour constituer un grand marché financier international.


IV. — L’ENTENTE FINANCIÈRE FRANCO-AMÉRICAINE

En exposant, dans ses grandes lignes, le programme d’expansion des États-Unis, notre intention n’est point d’exagérer leur rôle, ni de déprécier la valeur de leur effort financier, dont nous avons été les premiers à bénéficier. Tout au contraire. Ils ont su très habilement tirer parti des circonstances favorables qui leur laissaient le champ libre dans le monde, pour y poser des jalons de conquête, et, dans le cours de trois années, réaliser les progrès d’un demi-siècle : ce n’est que justice pour un pays entrant dans la guerre sans aucune visée territoriale.

Cette nouvelle forme de l’impérialisme américain mérite