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des grands marchés étrangers ; l’industrie et le commerce cherchent aussi à s’avancer dans les mêmes voies, en s’implantant partout où il peut y avoir une place à prendre pour accroître leur production ou leurs débouchés. C’est ce que nous avons déjà observé en Argentine dans l’ordre des industries frigorifiques. Depuis plusieurs années, les puissantes Sociétés de Chicago sont établies sur le Rio de la Plata, où elles ont installé des filiales, telles les Sociétés Armour, Swift, Morris, Sulzberger, dont les frigorifiques représentent, dès à présent, une bonne part de la capacité de production du pays.

Cette évolution de l’industrie américaine des frigorifiques s’explique par le fait qu’une concurrence s’est levée à l’autre extrémité de l’Amérique, celle de l’Argentine et du Paraguay qui, disposant d’une énorme quantité de terres à bon marché, aptes à l’élevage, s’organisent pour entrer dans la grande production. Déjà l’Argentine peut jeter annuellement sur les marchés étrangers 400 000 tonnes de viande de bœuf, alors que les États-Unis, au contraire, sont arrivés à la limite de leur production. Or, comme leur consommation intérieure, toujours croissante, en absorbe la plus large part, il importe donc pour eux de trouver un nouveau centre d’approvisionnement, qui leur permette, tout en continuant à fournir cette consommation intérieure, de conserver leur clientèle d’exportation.

Par un procédé très américain, les États-Unis sont venus s’établir en Argentine, avec leurs hommes et leurs capitaux. en face de leurs concurrens, pour les battre sur leur propre terrain, et c’est ainsi que les frigorifiques nord-américains installés sur les rives de Rio de la Plata, sont en mesure d’alimenter en Europe les dépôts des grandes marques de Chicago. Là encore, la guerre européenne a bien servi les intérêts de l’industrie américaine, si l’on en juge par les chiffres d’exportation des viandes argentines, moutons et bœufs, qui, en 1916, ont dépassé 400 millions de dollars, contre 50 millions en 1914, montant dans lequel les frigorifiques nord-américains entrent pour la plus grande part.

Le rapprochement d’intérêts de plus en plus grand entre les deux Amériques trouve son expression dans les chiffres du commerce extérieur des États-Unis depuis 1915, qui résument très clairement les résultats déjà obtenus à leur mutuel profit. Les exportations vers l’Amérique du Sud s’élevaient au