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venir en aide, toute l’Amérique du Sud est frappée par les répercussions profondes de la crise mondiale, une question de première importance se pose. Qui peut continuer ce travail d’organisation entrepris avec le concours des capitaux européens, mettre en valeur tous les projets des temps de prospérité, les terres à exploiter, les industries en germe, les chemins de fer et les ports à construire ou à développer ? Qui peut suppléer à la diminution des importations de produits des pays alliés, depuis le matériel de chemins de fer, les machines, le fer et l’acier, le charbon, jusqu’aux produits fabriqués, textiles, etc. ? Seuls les États-Unis peuvent assumer cette lâche à leur taille et s’y préparer dès à présent pour l’après-guerre.

Assurément, nous n’entendons pas engager le lointain avenir et dire que l’Europe ne pourra pas reprendre plus tard sa position prépondérante sur les marchés sud-américains. Il est seulement à prévoir qu’un long délai peut s’écouler pendant lequel il y aura pour d’autres une place à prendre sur les marchés de l’exportation. De même qu’il a fallu près de trois ans pour transformer les pays belligérans en de vastes usines de guerre, il faudra sans doute à ceux-ci des années après la paix pour revenir à un état de grande production rendant de nouveau possibles les exportations.

Au point de vue de la force des capitaux, c’est le même raisonnement qui s’impose, jusqu’au moment où, par le travail et l’épargne, nous aurons refait des disponibilités pour reprendre notre rang de banquiers du monde. Il faudra d’abord consolider nos dettes extérieures, puis tenter de rétablir les changes en notre faveur, et ce ne sera pas là l’œuvre d’un jour, car cette question est essentiellement liée à celle du relèvement de notre commerce d’exportation.

Ainsi, pour la France, quelque rapide que puisse être le retour à la vie normale, il est incontestable qu’avant de reprendre un rôle mondial, c’est sur son propre sol qu’elle devra porter son effort financier. Il y aura des ruines à relever, de nouveaux territoires à organiser, une politique coloniale à reprendre, une renaissance industrielle à promouvoir, ce qui ne nous permettra pas, temporairement, de rechercher au-delà de nos frontières, même chez des pays amis, l’emploi de nos capitaux disponibles. Pendant quelques années le champ restera donc libre pour les Nord-Américains, et c’est pour cela que, sans