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d’expansion dans le monde. C’est ici qu’apparaît une conception très caractéristique de la finance américaine, dont les tendances sont étroitement associées à celles de la politique du pays. Les États-Unis n’avaient pas eu d’armée, du moins jusqu’à présent, pour s’imposer par la conquête, mais ils avaient des capitaux, et c’est là une arme dont ils savent se servir pour leur expansion économique et même politique. On a pu reconnaître par exemple, cette action des capitaux américains dans les affaires des Républiques de l’Amérique centrale. Sous le couvert de la doctrine de Monroe, c’est l’influence financière des États-Unis qui a pesé sur les destinées de ces Républiques, ouvrant ainsi la voie à la diplomatie américaine pour exercer sur elle une sorte de Protectorat.

Ce n’étaient là, toutefois, que des travaux d’approche, car, depuis la guerre européenne, nous avons vu se manifester de plus vastes ambitions. Les États-Unis ont déjà préparé leur pénétration pacifique dans l’Amérique du Sud, sous la forme d’une Union pan-américaine, et, pour commencer ce mouvement, ils ont fait sentir, dans les pays en mal d’argent, la puissance de leurs capitaux mis au service de leur commerce et de leur industrie. C’est ainsi que, dans le total des opérations de crédit effectuées en ces trois dernières années, un montant d’environ 160 millions de dollars a été destiné aux États Sud-américains, soit plus de 900 millions de francs.

Si, aujourd’hui, la guerre absorbe toute l’activité américaine, on peut cependant percevoir cette orientation des États-Unis, au point de vue financier, dans le sens d’un impérialisme pratique servant les intérêts supérieurs du pays, et que leur rôle dans le conflit européen ne peut encore qu’exalter. Comme nous l’avons indiqué, il n’est plus question d’un simple projet dans le domaine du rêve ; il y a déjà des travaux préliminaires, des jalons posés dans le monde, qui permettent d’apprécier les méthodes américaines d’après leurs premiers résultats.

Entre toutes les qualités que possède le peuple américain, il en est une qui est l’essence même de la race et que les circonstances présentes mettent en pleine valeur, c’est le sens des réalisations, secondé par un grand esprit d’entreprise dans tous les ordres de l’activité économique. Nation jeune, qui ne porte pas le fardeau d’un lourd passé, l’Amérique ne traîne pas après elle, comme les vieux peuples, le poids de coutumes, de préju-