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Dans le domaine des sciences, les petites nations ont contribué à grossir le patrimoine commun. Dans celui des arts plastiques, plusieurs ont occupé le premier rang, et la postérité leur doit un nombre incroyable de chefs-d’œuvre qui contrastait singulièrement avec celui de leurs habitans.

L’enseignement de la science n’a pas de noms plus honorés que ceux d’Upsal, le centre intellectuel de l’Europe septentrionale à la fin du moyen âge, de Leyde, dont l’université, créée en souvenir d’un siège fameux, a formé depuis trois siècles des générations de savans, et de Louvain, la première victime des Allemands, que sa gloire scientifique n’a pas préservé du sacrilège et de l’incendie.

Mais que dire des artistes flamands et de leurs émules hollandais ? Les salles de la plupart des grands musées paraîtraient vides ou dépeuplées, si l’on en retirait les œuvres des maîtres de ces deux écoles. Elles les éclairent de leur exubérance et de leur gaieté ; elles les animent de la vie intense de leurs portraits ; elles ressuscitent un monde disparu dans tous les détails de son existence ; elles reposent et délectent les regards par leur admirable sincérité. L’art hollandais s’est épanoui dans le temps que grandissait démesurément la puissance des Provinces-Unies ; il a décliné avec elle. L’art flamand du XVIIe siècle a poussé, plante vivace et consolatrice, sur un sol ruiné par une interminable guerre. Il est l’expression éclatante du génie d’un peuple, dont aucune oppression, aucun revers, n’altéreront la vitalité. Robuste démenti infligé à la théorie, d’après laquelle la floraison des arts coïncide avec l’âge le plus brillant de la croissance d’une nation.

Que si du Nord de l’Europe nos regards descendent vers le bassin méditerranéen, centre autrefois de l’activité humaine, nous devons avouer que le rayonnement intellectuel, littéraire et artistique des nations modernes pâlit devant le passé étincelant d’une race, grandie sur une mince presqu’île. Le monde antique et l’Empire romain ont emprunté à ce peuple tout le lustre de leur civilisation et l’humanité suit encore avec reconnaissance la trace lumineuse laissée par le génie grec, Il est toujours le maître le plus admiré, le modèle le plus parfait des générations qui se forment, parce que, dans toutes les branches de la pensée et de l’art, il s’est élevé d’un coup d’aile vers les sommets les plus hauts et les plus purs.