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honneur, des hymnes retentirent, où se condensèrent toutes ces ferveurs recueillies : ce sont les sermons de Bossuet[1].

Pour étayer la gloire de Marie, l’âme française collabore avec les autres peuples ; pour préparer le culte du Sacré-Cœur, elle les devance tous. En France, en Saxe, à la Chartreuse de Cologne, quelques âmes au moyen âge avaient senti pour le cœur du Christ un impérieux attrait. Mais la dévotion ne se mûrit et ne commença de s’organiser qu’avec notre XVIIe siècle français, avec saint François de Sales et ses Visitandines, avec le Père Eudes, avec le jésuite Huby. Lorsque la piété chrétienne, d’un bout à l’autre du monde, rend un culte au cœur de chair de Jésus et y contemple « le symbole expressif et vivant de l’amour que Jésus a eu et a encore pour les hommes, » elle défère aux visions de Marie Alacoque, Visitandine française ; et déférer à ces visions, c’est admettre qu’un monastère français du XVIIe siècle, Paray-le-Monial, fut choisi par Dieu pour que la terre connût ses désirs. Que les catholiques du dehors le veuillent ou non, — et pourquoi ne le voudraient-ils pas ? — il y a des courans de piété qui impliquent la croyance à certaines prédestinations, glorieuses pour la France.

Leur attachement, sous toutes les latitudes, à l’archiconfrérie de Notre-Dame des Victoires et a la médaille qu’elle répand, est un acte de déférence envers les visions d’une de nos petites novices des Filles de la Charité, Catherine Labouré. Si une bourgade pyrénéenne, obscure jusqu’en 1838, est brusquement devenue un lieu de pèlerinage universel ; si de tous les points du monde chrétien des hommes et des femmes accourent là, pour demander des miracles ; et si depuis les jardins du Vatican jusqu’aux plus lointaines terres de mission l’on reproduit tant bien que mal, pour édifier les foules, ce petit coin de France qu’est la grotte de Lourdes, — « mon coin de France, » disait Léon XIII, — c’est évidemment qu’au jugement de la conscience catholique, Dieu lui-même, en cet endroit, eut des complaisances pour la France. Je sais un autre endroit où le monde chrétien, devançant ici le jugement de Home, commence à porter le flot de ses ferveurs : c’est la tombe d’une petite Carmélite, notre contemporaine, Thérèse de l’Enfant Jésus, au cimetière de Lisieux ; de tous pays, on quête des grâces près de cette petite

  1. Flachaire, La dévotion à la Vierge dans la littérature catholique au commencement du XVIIe siècle, Paris, 1916.