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l’inauguration et la pratique d’un régime de liberté. Sans remonter au déluge, c’est-à-dire aux franchises communales des-grandes cités des Pays-Bas, on peut dire qu’en Belgique la liberté politique a été la sœur jumelle de l’indépendance nationale. Elles sont les filles de la même révolution et c’est sous la menace des canons hollandais que les membres de notre Congrès ont discuté gravement une constitution qui est demeurée une des plus libérales du monde. La Belgique ne s’en est pas tenue là. Marchant d’un pas hardi, une des premières, dans la voie des innovations, elle a servi de champ d’expérience aux moyens les plus propres à donner au vote populaire sa véritable expression. Chez elle fut inauguré le vote plural et obligatoire avec la représentation proportionnelle des minorités. Son Parlement n’a pas reculé devant cette épreuve, alors que dans d’autres contrées les corps législatifs et l’opinion publique se livraient à des discussions académiques sur le même sujet. Un autre pays de superficie modeste, la plus ancienne République du vieux continent, la Suisse, offre l’exemple remarquable d’une coopération de tous les citoyens par des référendums populaires à la législation de leurs cantons, comme aux lois et arrêtés de la Confédération elle-même. Les Puissances démocratiques se souviendront que les petites nations ont servi, comme elles, avec passion la cause, de la liberté politique.

Celle-ci a été généralement précédée par la liberté de conscience et par la liberté de pensée dans la progression lente de l’humanité vers la lumière. La lutte cependant a été longue entre l’intransigeance religieuse et la tolérance, fruit tardif de l’époque moderne. La Réforme ne s’est pas montrée plus indulgente que l’Eglise romaine là où elle avait triomphé, et les petits États du Nord et du Centre de l’Europe, qui l’avaient embrassée avec enthousiasme, ont fait preuve d’autant d’esprit sectaire que les grands. Tout de même, si la Reforme luthérienne a réussi à s’implanter définitivement en Allemagne, c’est au roi d’une petite nation que les princes allemands du XVIIe siècle, et en particulier l’électeur de Brandebourg, en ont été redevables, à Gustave-Adolphe, vainqueur de la réaction catholique de Ferdinand II, après que ce prince eut écrasé ses autres adversaires protestans. Voilà un fameux service que ne devraient pas oublier Guillaume II, évangélique fervent, et ses