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nécessité par les projets de confédération des Puissances centrales, où fonctionnerait l’équilibre européen, jusqu’au jour où la société pacificatrice des nations, ayant pris corps et figure, pourrait sortir tous ses effets.

Avant que les artisans officiels de la paix se mettent à l’ouvrage, il est peut-être opportun d’attirer de nouveau l’attention, distraite par les faits de chaque jour, sur les petits États belligérans. Remettre en lumière quelques-uns des services qu’ils ont rendus à l’humanité, le rôle historique qu’ils ont rempli à des époques glorieuses ou critiques et la part que certains d’entre eux ont eue dans les événemens avant-coureurs de la catastrophe présente, cette triple ambition m’a poussé à entreprendre un travail qui puisse être utile à la cause commune des Alliés. Pour le conduire à bonne fin, je me propose de feuilleter l’histoire du passé et celle de ces dernières années. On néglige trop de consulter l’histoire en présence du spectacle qui se déroule sous nos yeux avec une si déconcertante rapidité. Elle reste pourtant le meilleur guide et la plus sûre conseillère. Que de fautes politiques auraient pu être évitées, si leurs auteurs avaient mieux profité des enseignemens qu’elle offre à nos esprits ignorans ou inexpérimentés !


VII

D’une manière générale, il faut bien reconnaître que les petits États sont un obstacle à l’extension des grandes Puissances. On dirait des bornes placées par le destin devant leurs ambitions territoriales. La formation de l’Europe moderne s’est opérée de telle manière, à la suite de guerres, de partages ou d’héritages recueillis par des maisons régnantes, que de petites nationalités se sont groupées dans des situations géographiques privilégiées. Ainsi l’ont voulu l’enchaînement des événemens et l’imprévu des circonstances. Ces nations occupent, soit le cours inférieur et l’embouchure de grands fleuves internationaux, soit les portes d’un détroit et l’entrée d’une mer intérieure, soit le nœud central de montagnes se ramifiant sur le plateau européen, soit enfin des presqu’îles dentelées où s’abritent des ports naturels. Beaux objets d’envie pour une Puissance travaillée, comme l’Allemagne, par une avidité