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bon atterrissage à Brocourt. Le 14, il est évacué sur Paris, à l’ambulance japonaise de l’hôtel Astoria et, la mort dans l’âme, devra laisser ses chers camarades livrer sans lui dans les airs leur bataille de Verdun…


III. — LA TERRE A VU JADIS ERRER DES PALADINS…

Verdun fut, pour notre armée céleste comme pour notre armée de terre, un redressement qui tient du prodige. En quelques jours, l’escadrille des Cigognes avait été décimée : son chef, le capitaine Brocard, blessé d’une balle au visage, forcé d’atterrir, le lieutenant Perretti tué, le lieutenant Deullin blessé, Guynemer blessé, presque tous ses meilleurs pilotes hors de combat. Il fallut la ténacité du commandant de Rose, chef de l’aviation de la IIe armée, il fallut la rapidité d’une nouvelle concentration pour reconquérir peu à peu le domaine des airs perdu. Le commandant de Rose ordonne la chasse, enflamme, électrise ses escadrilles. On ne célébrera jamais assez son action personnelle au cours des terribles mois de Verdun. Les camarades de Guynemer tiennent le ciel dans le feu, comme leurs frères, les fantassins, tiennent sous le feu le sol mouvant qui protège la vieille citadelle. Chaput abat sept avions, Nungesser six et un drachen, Navarre quatre, Lenoir quatre, Auger et Pelletier d’Oisy trois, Pulpe, Chainat et Lesort deux. Les avions d’observation rivalisent avec les avions de chasse : souvent, ils se protègent eux-mêmes et il n’est pas rare de voir leurs assaillans tomber en flammes. Deux fois le sergent Fedoroff se débarrasse ainsi d’adversaires gênans. Comment ne pas citer parmi les pilotes Stribick et Houtt, le capitaine Vuillemin et le lieutenant de Laage, les sergens de Ridder, Viallet et Buisse ; parmi les observateurs, le lieutenant Liebmann, qui fut tué, et Mutel, Naudeau, Campion, Moulines, Dumas, Robbe, Travers, et le sous-lieutenant Boillot, et le capitaine Verdurand, admirable chef d’escadrille, et le commandant Roisin, expert aux bombardemens ? Les énumérations sont toujours trop mesurées. Mais ces noms-là, il les faut crier. Cependant la bataille de Verdun brise les arbres, fend les murs, anéantit les villages, creuse la terre, défonce les plaines, tord les collines, refait le chaos qu’au troisième jour, selon la Genèse, Dieu organisa en séparant des eaux le sol où poussèrent les végé-