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de vol signale des expéditions sans résultat, en compagnie de l’adjudant Hatin, du lieutenant de Ruppierre, dans la région de Noyon, Roye, Ham, Coucy-le-Château. Le 10, les chasseurs mettent en fuite trois albatros : un fokker plus rapide les rejoint, mais fait demi-tour, ayant tâté de leur mitrailleuse. Le 16, Guynemer et Hatin vont jeter des bombes sur la gare de Chauny ; un aviatik les assaille pendant leur bombardement, ils essuient son feu en ripostant avec leur mousqueton tant bien que mal, et rentrent indemnes. L’adjudant Hatin est décoré de la médaille militaire. Comme c’est un « bec fin, » Guynemer va le soir même au Bourget chercher deux bouteilles de vin du Rhin pour célébrer cette fête de famille. Au Bourget, il essaie les nouveaux Nieuport, espérance de l’aviation de chasse. Enfin, le 19 juillet, date mémorable, sur le carnet s’inscrit la première victoire de Guynemer :

« Départ avec Guerder sur un Boche signalé à Cœuvres et rejoint sur Pierrefonds. Tiré un rouleau, mitrailleuse enrayée, puis désenrayée. Le Boche fuit et atterrit vers Laon. À Coucy, nous faisons demi-tour et voyons un aviatik se dirigeant à 3 200 mètres environ vers Soissons. Nous le suivons et, dès qu’il est chez nous, nous piquons et nous plaçons à 50 mètres dessous, derrière et à gauche. À la première salve, l’aviatik fait une embardée et nous voyons un éclat de l’appareil sauter. Il riposte à la carabine : une balle atteint l’aile, une balle érafle la main et la tête de Guerder. À la dernière salve, le pilote s’effondre dans le fuselage, l’observateur lève les bras, et l’aviatik tombe à pic, en flammes, entre les tranchées… »

Le combat a commencé à 3 700 mètres. Il a duré dix minutes, les deux combattans à moins de 50 mètres, et parfois à 20 mètres l’un de l’autre. Le procès-verbal est de la main de Guynemer. Son regard a pris l’empreinte de l’inoubliable spectacle : le pilote s’enfonçant dans sa carlingue, l’observateur battant les airs, l’avion coulant embrasé. Voilà ses paysages désormais. Ils sont pris en plein ciel. L’oiseau de proie est déployé dans l’espace.

Les deux combattans étaient partis à deux heures de l’après-midi de Vauciennes. À trois heures quinze, ils atterrissent, vainqueurs, à Carrière-l’Evêque. Des deux camps les fantassins ont suivi la lutte. Les Allemands, furieux de leur défaite, canonnent le terrain d’atterrissage. Georges, trop maigre pour