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militaires auront hâte d’en finir. Il s’agit de désagréger le bloc des Alliés, déjà amputé du membre russe, de semer parmi eux le découragement et la discorde, de provoquer des défaillances irrémédiables, avant que les pirateries sous-marines soient paralysées, le blocus arrivé à son resserrement le plus douloureux, et les armées de l’Entente, renforcées par le débarquement d’un nouveau champion, leur apportant toutes les fraîches énergies de la nation américaine.


IV

Pour se rendre compte du chemin que l’idée de la paix a parcouru dans les cerveaux allemands, il est nécessaire de s’arrêter un instant devant la proposition des socialistes majoritaires. Il faut bien dire aussi quelques mots de la note pontificale du 1er août 1917, puisque le chancelier et son lieutenant ont osé invoquer dans leurs discours l’accueil que l’Allemagne et l’Autriche avaient fait à cet important document.

Le socialiste majoritaire Scheidemann a repris pour son compte, s’il ne l’a pas inventée, la formule de paix que le gouvernement provisoire de Pétrograd, sans consultation préalable avec ses alliés, avait lancée de par le monde dans son manifeste du 27 mai. Fondée sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, elle se condense en quatre mots : ni annexions, ni indemnités. N’ayant pu ni voulu empêcher la guerre, la social-démocratie prétend aujourd’hui donner la paix à l’humanité, une paix socialiste, rétablissant grosso modo le statu quo ante bellum. Qui ne voit la large popularité et l’auréole humanitaire que le socialisme tout entier gagnerait à l’acceptation de cette proposition et l’impulsion que sa propagande acquerrait, si une telle paix finissait par s’imposer à la lassitude des belligérans ? Cette considération n’a certainement pas guidé le gouvernement allemand, quand il a procuré à Scheidemann toute facilité de prêcher sa doctrine pacifiste. Il a aperçu seulement le profit immédiat à tirer de l’ébranlement que la formule russo-socialiste risquerait de produire dans la fermeté combative des Alliés, les discussions intestines et peut-être l’ouverture de négociations qui en résulteraient.

Quant à la fameuse résolution pacifique, adoptée par le