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qu’une preuve de la nécessité d’abréger une lutte où s’épuiseraient à la longue les armées impériales.

L’Allemagne et sa complice ont donc besoin de la paix. Un besoin immédiat ? Ce serait beaucoup trop dire. Mais l’énervement général devant une paix insaisissable devient de jour en jour plus frappant. Il se traduit dans l’es sarcasmes du Vorwärts, un des plus pacifistes parmi les journaux allemands, à l’adresse des gouvernemens de l’Entente. Je les cite à titre d’exemple : « L’histoire de l’Allemagne ambitionnant l’hégémonie mondiale, disait l’organe socialiste le 11 novembre dernier, n’est qu’un mythe inventé par ses ennemis pour entretenir l’esprit belliqueux. En réalité, l’orgueil des généraux de l’Entente vexés de leurs insuccès, la peur qu’ont les politiciens des conséquences intérieures d’une paix blanche après tant de sacrifices consentis, enfin, les intérêts des capitalistes dont, les entreprises se trouvent fort bien de la guerre, tels sont les facteurs qui tendent à la prolonger indéfiniment. » Voilà le thème perfide, sur lequel la presse brode ses variations à l’exemple des orateurs officiels, pour faire endosser aux Alliés la responsabilité de la continuation de la guerre. Langage à double fin, car il sert en même temps à blanchir l’innocence du gouvernement impérial dans l’esprit de la nation fatiguée, qui réclame la paix.

Les premiers rôles dans ce gouvernement ne sont plus tenus par les acteurs usés du début. Bethmann-Hollweg s’est effondré sous le poids de l’impopularité. On ne pardonnait pas à ce chancelier bouche d’or d’avoir confessé au Reichstag le tort injustifié fait à la Belgique. Il a cru lâchement réparer sa franchise, en accusant plus tard la pauvre nation des pires méfaits. Son silence calculé sur les conditions de paix n’avait pas satisfait les Allemands qui veulent d’une paix de conquête ni ceux qui se résigneraient à une paix de conciliation.

L’Empereur, après un intermède rempli sans succès par une doublure, Michaëlis, a pris pour principal conseiller un homme d’Etat, un rusé catholique, habile autrefois à concilier les revendications de son parti avec les résistances de l’impérialisme protestant. Ce politique expérimenté, qui a su s’élever du gouvernement d’un royaume secondaire au faîte suprême de l’administration de l’Empire, sera fertile, n’en doutons pas, en expédions et en roueries. Négocier une paix satisfaisant l’opinion publique en Allemagne est le moins que se propose son