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l’anatomie d’un engin de guerre sont passionnantes, combien ne doit pas l’être davantage sa physiologie, son étude dans l’action, dans la vie… je devrais dire ici dans la mort !


Il y a peu de jours, dans le Berliner Tageblatt, le général allemand von Ardenne a déclaré que, dans la récente attaque britannique sur Cambrai, on avait dénombré deux cents tanks anglais. C’est bien possible. En tout cas, cette offensive subite par tanks paraît avoir quelque peu déconcerté les idées tactiques de l’ennemi, et, si elle a été suivie, depuis, d’un nouveau retour offensif de celui-ci, c’est pour des raisons complètement étrangères à l’emploi de ces engins et qui laissent intacte la démonstration nouvelle apportée par eux.

En fait, dans l’attaque anglaise du Cambrésis, on a vu pour la première fois, — et ce fait restera, quelles que soient les péripéties futures de la lutte dans ce secteur, — se réaliser en un point formidablement fortifié, et sans préparation d’artillerie, la fameuse percée si souvent déclarée impossible. Et cette percée, elle a eu lieu en plein dans la redoutable « ligne Hindenburg, » où tous les derniers raffinemens de la fortification de campagne sont accumulés. Si cette percée n’a pas été plus étendue, si elle n’a pas été utilisée stratégiquement plus à fond, c’est pour des raisons de commandement et de répartition des réserves générales qui n’entrent pas dans ma démonstration, mais qui touchent à la question, hélas ! toujours pendante de l’unité de commandement.

Pourquoi donc cette percée a-t-elle été réalisée dans des conditions si imprévues ? C’est qu’au lieu de mettre en action, comme on avait eu le tort de le faire antérieurement, les tanks après une longue préparation d’artillerie qui avertissait l’ennemi, lui faisait garnir les points menacés et y préparer l’arrêt et la riposte, on a, au contraire, supprimé cette préparation indiscrète ; on a manœuvré les tanks non plus après l’artillerie, mais à la place de celle-ci. Aussi bien qu’elle, ils écrasent les fils de fer, mais ils le font silencieusement, ce qui permet la surprise de l’attaque.

Lorsqu’on employait les tanks comme complément à la préparation parle canon, on les avait voués à l’inutilité, sinon à la destruction ; les substituer à elle a conduit au succès. N’est-ce pas une preuve que cette guerre n’est pas seulement, comme on l’a dit, une accumulation de matériel, une concurrence effrénée dans la production