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principale qualité tactique de celles-ci est, comme nous avons vu, leur vitesse, tandis que la vitesse des tanks est infime. Il en résulte que si tel avait été le problème posé, il eût été bien mal résolu. Mais c’est en réalité un besoin très différent, la solution d’une difficulté tout autre qui a donné naissance au tank.


Dans une de ses anticipations les plus saisissantes, Wells a, plusieurs années avant la guerre, imaginé des « cuirassés de terre » qui devaient à son avis jouer un rôle considérable dans les combats. Il les a décrits avec cette précision imaginative qui caractérise son esprit de poète versé dans les choses de la science. Il nous a dépeint l’« insolite engin » pareil à « un insecte de la taille d’un croiseur cuirassé » envoyant « des bordées par les sabords de sa carapace » et « sa carcasse où les balles crépitaient avec un acharnement et un vacarme pires que ceux de la grêle sur un toit de zinc. »

Il nous a décrit « le réseau ajouré des tranchées et de leurs défenses accessoires[1] à travers lesquelles ces énormes tortues de fer avançaient à la vitesse d’un cheval au trot, réduisant et brisant méthodiquement toutes les résistances partielles qui subsistaient encore[2].

C’est de cela précisément, c’est de la nécessité de renverser et détruire les défenses accessoires qu’est né en réalité le tank. Les grandes attaques brillantes, mais coûteuses, qui nous ont valu tant de sacrifices dans les premiers temps de la guerre stabilisée, ne se sont en réalité brisées d’abord que contre un seul obstacle, le fil de fer. Le tank est né de là, je n’irai pas jusqu’à dire que le tank est le fils du fil de fer barbelé, car l’image serait peut-être un peu hardie. Mais il est vrai qu’il est, pour employer des termes chers aux pastoriens, l’antigène ou l’anticorps du fil de fer barbelé.

De divers rapports faits à la Chambre des Communes, il y a quelques mois et analysés par l’Engineering, il semble résulter qu’en Angleterre, c’est sur la suggestion de M. Winston Churchill, alors premier lord de l’Amirauté, que les recherches ont été faites en vue d’établir un engin très protégé et armé, et capable de franchir les terrains bouleversés entre les tranchées en écrasant les défenses accessoires.

Les plans de l’engin finalement adopté par nos alliés ont été établis par M. Tennyson d’Eyncourt, directeur des constructions

  1. C’est moi qui souligne. — C. N.
  2. C’est moi qui souligne. — C. N.