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flèches). Les Romains avaient appris d’Alexandre à se servir des éléphans de guerre et ils en firent ensuite un large emploi. C’est ainsi que pour la première fois en Gaule, plus de cent ans avant notre ère, le proconsul Domitius Ahenobarbus les employa. Si je rappelle incidemment ce fait, c’est qu’il m’est venu à l’idée que les ossemens d’éléphans qu’on trouve dans nos régions et dont les géologues tirent maintes déductions, savantes, mais hasardeuses, pourraient bien provenir de là. Il est si difficile de savoir la vérité, même sur les faits d’aujourd’hui, qu’il est vraiment permis d’exercer sa censure personnelle sur les nouvelles empruntées à quelques ossemens, qu’on nous mande d’il y a plusieurs millénaires.

Dès le XVIe siècle, le grand Mogol employa dans ses guerres des éléphans porteurs de canon avec leurs serrans, et, dans le passé, ceci est vraiment le souvenir qui me semble le mieux évoqué par les tanks, blindés et lents comme ces éléphans et porteurs comme eux d’artilleurs avec leur pièces. Mais là ne s’arrête pas l’analogie : si les éléphans ont été jadis tant employés dans les guerres, si même dans les temps modernes l’armée anglaise des Indes en a fait un si large usage, c’est non seulement parce qu’ils constituent des véhicules blindés et armés, c’est pour deux autres raisons encore.

La première est que la masse puissante de l’éléphant lui permet de renverser aisément les obstacles moyens, par exemple les lianes et buissons dans la jungle, de même que la masse du tank lui permet de renverser les réseaux de fils barbelés. La seconde est que le pied très large de l’éléphant lui permet de franchir les terrains les plus mous et les plus marécageux, de même que le tank, grâce, comme je l’expliquerai, à sa large surface portante, peut déplacer sa masse énorme dans les terrains bouleversés du front.

Je crois donc être fondé à dire que l’éléphant du combat est le seul ancêtre dont puisse légitimement se réclamer le tank.


Il devait être tout indiqué, dans la présente guerre, d’utiliser tactiquement les automobiles blindés et armés Au début de ! a guerre, sur notre front, plus tard en Galicie, au Caucase (où les auto-canons belges et anglais firent d’excellente besogne), puis sur le front italien, on a vu les autos blindés faire des randonnées foudroyantes, exercer d’assez grands ravages avec leurs petits canons en tourelles et leurs mitrailleuses, tandis qu’eux-mêmes étaient à peu près à l’abri des balles par leurs blindages, et des obus par leur vitesse.