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n’ayant pas suffisamment éliminé de leurs veines un vieux sang germanique.

Mais on en est encore à peser la part de responsabilité incombant à l’Empereur allemand et à rechercher le moment où il a cessé de s’embarrasser de scrupules pacifistes. Rien ne sert d’en discuter d’après des indices incomplets. La paix seule, et avec elle la liberté de proclamer la vérité sans avoir à craindre la colère impériale, feront sortir de leurs cachettes des documens qui confondront peut-être l’obstination des derniers défenseurs de Guillaume II. Ne soyons pas trop surpris si nous découvrons un jour que le Kaiser méditait d’écraser la France, bien avant que le règlement diplomatique de la question marocaine en novembre 1911 eût laissé les Allemands exaspérés et impatiens d’une revanche. Rappelons-nous les révélations de M. Isvolsky sur le traité de Bjœrkœ, arraché par l’ascendant de Guillaume à la faiblesse de Nicolas, sur cette alliance germano-russe, où la Russie devait pousser la France malgré elle. N’était-ce pas le dernier effort de l’autocrate allemand pour vaincre les résistances du patriotisme français ? Qu’y aurait-il d’étonnant à ce que, sous le coup de la mortification qu’il ares-sentie de son échec, la condamnation de la rivale irréductible de l’Allemagne eût été arrêtée dès cette époque dans son esprit ?

On n’est pas d’accord non plus sur les causes mêmes de la guerre. Chacun verse au dossier son opinion personnelle. D’aucuns distinguent tout d’abord le dessein froidement conçu d’obtenir la soumission de l’Europe par l’anéantissement de la puissance militaire de la France, avec la domination du monde comme couronnement futur d’une campagne aux résultats foudroyans. Dira-t-on qu’ils ont tort, à lire les livres allemands révélateurs, qui trahissent fa lièvre d’hégémonie dont étaient embrasés les cerveaux de leurs auteurs ? Soutiendra-t-on que cette opinion ne s’appuie que sur des apparences sans pénétrer au fond des réalités, quand on se souvient des paroles imprudentes échappées aux pangermanistes les plus notoires dans l’orgueil des premiers succès militaires ? D’autres explorateurs de l’Allemagne ont attiré notre attention sur sa situation intérieure, sur l’évolution graduelle qui faisait peu à peu passer le pouvoir aux mains d’une bourgeoisie enrichie et libérale, en dépossédant les hobereaux prussiens, caste dominante jusque-là, de l’autorité qu’ils détenaient. Ils notent chez ces derniers