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changement de ministère. Une manifestation parcourt la rue du Stade, acclamant le Roi qui est au théâtre. Au Pirée, quelques manifestations venizelistes, mais sans que l’ordre soit troublé.

Cependant la nouvelle que M. Venizelos va reprendre le pouvoir se répand rapidement dans le public. Le départ de Constantin est beaucoup trop récent pour que l’atmosphère puisse être déjà complètement éclaircie. Il se trouve que le yacht Sphacterie, qui a conduit en Italie le monarque déchu, est justement revenu ce jour-là. Dans la soirée, des marins de l’équipage en armes, des étudians, des épistrates parcourent les rues, promenant un portrait de Constantin et menant grand tapage. Quelques cris de : « Vive Constantin ! » se font entendre, et aussi, assure-t-on, quelques cris de : « Vive l’Allemagne ! »

Bien que des incidens de cette sorte n’aient pas grande importance, mieux vaut toutefois en prévenir le retour. Le général Regnault, commandant nos forces de débarquement, prend immédiatement ses mesures en conséquence. Ces mesures avaient été soigneusement étudiées ; le général s’était préparé à toute éventualité : il n’a plus qu’à lancer les ordres d’exécution. En quelques heures, à l’aube du jour suivant, les troupes françaises, avec leur artillerie, occupent toutes les hauteurs environnant la capitale : l’Observatoire, le Pnyx, la colline du Stade, l’Acropole, le Lycabète. Voici nos « poilus » très heureux et très fiers de fouler cette terre illustre et toute chargée de légendes. Ils reçoivent partout le meilleur accueil ; ils fraternisent avec les populations. Ils resteront là jusqu’au moment où M. Venizelos, ayant repris le pouvoir, décidera lui-même que leur séjour n’est plus indispensable. Tout fait prévoir que ce sera très prochainement. M. Venizelos déjeune ce jour-là à bord de la Justice. Les dernières dispositions sont prises pour son entrée dans la capitale.

L’ex-Roi a demandé que la pension d’un demi-million de francs qui lui a été garantie par les Puissances lui soit payée par la Grèce. M. Venizelos préfère, lui aussi, cette solution, et il y donne volontiers son consentement. Le prince Nicolas, frère de Constantin, au cours d’un entretien avec M. Robert David, tient à se justifier des sentimens germanophiles qu’on lui a prêtés. Il dément notamment des propos violens contre l’Entente qu’il aurait tenus au ministre de Russie à Stockholm. Son éloignement de la Grèce paraît cependant préférable dans