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Dans ces conditions, il apparaît à M. Jonnart qu’il n’y a que des avantages à brusquer le retour de M. Venizelos. Plus tôt un gouvernement régulier, définitif, sera installé en Grèce et mieux cela vaudra. C’est lui qui se chargera d’assurer l’ordre. Les troupes françaises débarquées au Pirée et à Corinthe pourront alors retourner sur le front de Macédoine.

Le dimanche 24 juin, M. Jonnart a deux entretiens d’une grande importance, l’un à dix heures et demie avec M. Zaïmis, l’autre à midi avec le roi Alexandre. La question du changement de ministère est discutée et réglée. Le Roi se déclare prêt à confier le pouvoir à M. Venizelos ; il demande qu’on lui soumette le plus tôt possible la liste des nouveaux ministres. M. Venizelos, informé aussitôt, répond qu’un délai de deux jours lui est nécessaire pour appeler auprès de lui ses collaborateurs restés à Salonique. Le ministère pourra être constitué le 25 juin au soir et prêter serment le 27.

Le Roi, au cours de cet entretien, témoigne au Haut-Commissaire des sentimens de confiance et de sympathie à la sincérité desquels il est impossible de se méprendre. Il sera heureux, lui dit-il, de solliciter ses conseils et de profiter de son expérience. Il fera de son mieux pour seconder le désir des Puissances protectrices en ce qui concerne l’œuvre de réconciliation nationale, le respect de la Constitution et de la souveraineté du peuple. Il espère que le retour de M. Venizelos ne provoquera aucun désordre dans la capitale, mais il a quelques appréhensions touchant le Péloponèse.

« Il ne tient qu’à Votre Majesté, lui répond M. Jonnart, de faire entendre un langage énergique aux fonctionnaires de cette province, de les prévenir que tout désordre entraînerait pour eux de graves conséquences. »

Entrevue des plus cordiales. Ce jeune souverain de vingt-quatre ans, placé d’une manière si rapide et si imprévue sur un trône auquel il n’était pas destiné, n’a pas eu l’occasion de faire l’apprentissage du métier. Les questions constitutionnelles, qu’il a beaucoup moins pratiquées que l’automobile et le tennis lui apparaissent singulièrement compliquées et ardues. Sentant le besoin d’un guide, il se tourne tout naturellement vers M. Jonnart dont il a, dès le début, vivement apprécié l’attitude toute de netteté et de franchise.

Au cours de l’après-midi, on règle tous les détails du