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La première réunion des délégués a lieu le 22 à bord du Jurien de la Gravière : MM. Repoulis et Michalacopoulos pour M. Venizelos s’abouchent avec MM. Rhallys et Evghenidis pour M. Zaïmis. Les quatre hommes d’Etat se connaissent depuis longtemps : leur discussion est très cordiale, bien que, sur des points essentiels, il y ait entre eux de sérieuses divergences. De son côté, M. Venizelos avec un de ses commissaires déjeune chez M. Jonnart à bord de la Justice. Il est dans d’excellentes dispositions, la mine souriante, le visage rayonnant. Une polémique locale ayant éclaté entre un journaliste français et certains organes venizelistes, il promet de modérer l’ardeur de ses partisans. Un peu avant le déjeuner, une dame très élégante et fort agitée fait irruption a bord du cuirassé : c’est Mme Schliemann, dont le mari est le fils du fameux archéologue allemand. Quelques jours auparavant, au moment de rembarquement de la famille royale à Oropos, la ferveur bouillonnante de son loyalisme s’était donné libre cours. Apostrophant notre attaché naval : « Voilà, lui cria-t-elle, comment vous osez traiter notre Roi ! » Aujourd’hui, c’est le sort de son mari qui la préoccupe. Celui-ci, député de Larissa, a cru devoir se rendre au milieu de ses électeurs, lors de l’arrivée des troupes françaises. Sans doute, a-t-il pris une attitude répréhensible, car il a été arrêté et conduit à Salonique. Mme Schliemann redoute que les venizelistes, féroces et buveurs de sang, comme on sait, ne l’aient déjà fusillé. M. Robert David, qui la reçoit, la rassure. Il lui promet qu’on va télégraphier à ce sujet au général Sarrail.

Les Puissances protectrices sont intervenues en Grèce pour y rétablir la vérité constitutionnelle violée de la façon la plus flagrante par le roi Constantin. Celui-ci a tenté de substituer sa volonté propre à la volonté de la nation, telle qu’elle s’était exprimée au cours d’une élection récente. Il commet un véritable coup d’Etat, un attentat contre la Constitution lorsque, en septembre 1915, il écarte du pouvoir M. Venizelos et renvoie la Chambre élue trois mois auparavant, le 31 mai 1915.

Constantin prétend à cette occasion qu’il a le droit de dissoudre la Chambre autant de fois qu’il le veut. Cette prétention est la négation pure et simple du régime constitutionnel. Si le souverain peut dissoudre à sa guise et autant de fois qu’il lui plaît le Parlement, expression de la volonté du peuple, le régime