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dressée pour la sauvegarde du pays et son indépendance. Mais ce n’est pas la levée en masse improvisée à l’heure du danger. Le service obligatoire et personnel appelait toute la jeunesse valide, sans exception, sous les drapeaux pendant le temps relativement court de l’instruction nécessaire pour faire un soldat, et prolongeait l’obligation militaire en cas de guerre jusqu’aux limites des forces physiques. Les millions d’hommes ainsi mis à la disposition du commandement étaient forcément partagés en plusieurs échelons pour le combat, d’après leur âge. Mais du moment qu’ils étaient destinés à faire campagne et à entrer peut-être tous, tôt ou tard, dans la mêlée tragique, il tombait sous le sens que leur entraînement militaire, fondé sur une première et solide instruction, devait être continué et entretenu dans le cours de leurs obligations militaires, avec les tempéramens convenables à l’âge et à la formation de mobilisation à laquelle ils appartenaient. Si l’on pouvait réduire les périodes d’exercice de l’armée territoriale, il fallait multiplier les périodes des réservistes qui fatalement devaient compléter l’armée de première ligne.

C’est ce qu’avait bien entrevu Jaurès quand il affirmait que la force guerrière de l’armée était dans les réserves nationales encadrées et bien entraînées. Son système était malheureusement vicié par l’utopie socialiste et par ses illusions sur les garanties de paix qui résulteraient de l’armée nouvelle telle qu’il la concevait. Il pensait à la paix française fondée sur la Justice et sur le Droit, il ne voulait pas croire à la paix allemande fondée sur la Force et sur le Mensonge.

Cette guerre a bien prouvé que la vraie force de la nation armée résidait dans les réserves organisées et instruites. Mais qui pouvait penser, il y a quelques années, que ces réservistes et ces territoriaux, dont on médisait, que ces hommes d’âge embarrassés des mille liens familiaux et sociaux, qui montraient eux-mêmes, une répugnance de plus en plus marquée à se soumettre aux charges militaires, combattraient avec la même ténacité et la même endurance que les jeunes gens du service actif et que les professionnels, et qu’ils deviendraient à leur tour des gens de guerre incomparables ?

Le même fait s’est passé en Allemagne, et, on doit le reconnaître, dans tous les pays belligérans. Mais nous avons pu croire avant la guerre que l’état-major allemand n’accordait pas