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Je ne veux pas rappeler ici Je souvenir, encore poignant chez certains, d’une époque déjà lointaine. Ces douloureux incidens de notre politique intérieure eurent pourtant une répercussion profonde sur notre politique extérieure et sur les plans de l’Allemagne. Il n’y a pas de doute que l’Allemagne, avec sa perfidie habituelle, sut attiser les passions et les discordes civiles, qui faillirent nous mettre alors à sa merci en changeant si rapidement cette situation de supériorité et les conditions extraordinairement favorables dans lesquelles la France s’était trouvée quelques années auparavant.

La loi de deux ans fut la conséquence de cette période de troubles intérieurs. Elle était fondée sur un juste principe démocratique, l’égalisation des charges militaires, tout en les réduisant dans la mesure convenable. Elle fut vivement combattue par les chefs militaires, même par le général André. En réalité, l’objection fondamentale était qu’elle entraînait une réduction notable des effectifs de l’année active du temps de paix. En effet, par suite de la faiblesse de notre natalité, nos contingens annuels ne dépassaient pas 200 000 hommes et tendaient à diminuer.

La bonne constitution de notre armée mobilisée exigeait un minimum de 575 000 hommes (lois des cadres de 1873-75) pour former le noyau solide autour duquel venaient se grouper les réserves. Avec le service de deux ans, ce minimum ne pouvait plus être atteint qu’à condition d’obtenir des rengagemens en nombre suffisant, assurant à la fois l’effectif et l’encadrement. Le correctif de la loi, en plus du rengagement, aurait été une meilleure organisation et une plus forte instruction des réserves. A la diminution du service actif aurait dû correspondre une augmentation des périodes d’instruction et d’entraînement des classes de réserve destinées à entrer dans les unités de première ligne. C’est le contraire qui eut lieu. Le Parlement réduisit les deux périodes de 28 jours à 23 et à 17. Alors se forma dans l’armée un antagonisme déplorable entre les soldats de l’active et les hommes de la réserve, antagonisme qui se manifesta surtout dans le corps d’officiers par une mésestime de plus en plus marquée pour les officiers de complément. Ce fut le résultat d’une fausse politique et d’une méconnaissance étonnante de la nation armée.

La nation armée, c’est toute la force virile de la nation