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l’armée allemande étant prévue, elle aussi, en Alsace-Lorraine, en avant du Rhin, frontière militaire de l’Allemagne, tout contre la frontière politique, l’armée française au contraire était obligée de se concentrer à trois ou quatre marches de la frontière. L’état-major allemand avait donc l’avantage stratégique de l’offensive et de la bataille au-delà de la frontière, sur le sol français.

Il n’y a pas de doute que, jusqu’à ces dernières années, les deux adversaires envisageaient bien les premières batailles entre la frontière et la ligne Meuse-Moselle. Nous allons voir comment la stratégie allemande se modifia et tourna son plan vers la Belgique, mais aussi comment elle ne put tenter une telle manœuvre que parce qu’elle était maîtresse de l’Alsace-Lorraine et de tous les débouchés sur la rive gauche du Rhin.


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L’organisation de la frontière militaire du général de Rivière ne fut pas sans gêner les projets de l’état-major allemand. N’ayant pu, ni en 1875, ni en 1887, donner suite à ses mauvaises intentions, il dut en 1889 regarder bien en face la valeur du système défensif en même temps que la force de l’armée française reconstituée. L’armée française évoluait avec le service de trois ans, qui devait, en égalisant mieux le service, renforcer sa valeur combative. L’organisation de la frontière était achevée, elle entrait même en voie d’amélioration.

En effet, on avait reconnu que la puissance des nouveaux explosifs et la portée agrandie de l’artillerie rendaient insuffisantes les fortifications créées depuis 1873 ; il fallait remanier et abaisser les profils, remplacer la terre par le béton, abriter mieux les batteries en les dispersant autour des forts. Travail considérable et fort coûteux qui devait fatalement réveiller les anciennes controverses contre la fortification en même temps que solliciter l’attention des pouvoirs publics responsables des budgets nationaux. Le système de Séré de Rivière fut donc violemment pris à partie dans l’enseignement militaire et dans le Parlement. Fallait-il maintenir, en la mettant à hauteur des progrès techniques, toute cette immense ligne de camps retranchés, de régions fortifiées, de forts d’arrêt, qui s’étendait de Belfort à Dunkerque ? Etait-elle nécessaire, au moins dans