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acquise au prix de tant de constance et de tant de douleurs ? Le parti socialiste lui-même, si égaré soit-il parfois par ses utopies sociales, se déshonorerait et serait ruiné dans l’esprit national, s’il laissait discuter la question du retour intégral et sans conditions de l’Alsace-Lorraine.

Or, autour de cette Alsace-Lorraine indiscutable, un grave débat s’est ouvert avec la prolongation de la guerre et avec la certitude de vaincre qui nous pénètre de plus en plus malgré tant de tragiques et d’émouvantes fluctuations. L’Alsace et la Lorraine ont eu dans notre histoire un rôle tellement considérable que leur simple réintégration dans l’unité nationale devait soulever fatalement toute la grande question des frontières du Nord-Est, dont la solution a été l’objectif fondamental de la politique française depuis l’origine du royaume, Un nom résume la longue lutte soutenue pendant des siècles : le Rhin !


I. — LA QUESTION DU RHIN

C’est vers le Rhin, frontière naturelle indiquée par César, inscrite dès le Xe siècle dans la tradition royale, affirmée en droit par les légistes du moyen âge, définie comme le but essentiel par Richelieu, atteinte par la République en 1795, contresignée alors par l’Europe au traité de Bâle, dépassée par Napoléon, en partie perdue en 1815, que s’est toujours porté le sentiment, vague ou précis, mais jamais aboli, de la nationalité française.

Il nous serait agréable, et cela serait sans doute intéressant pour nos lecteurs, de rappeler les phases de cette « dispute du Rhin, » qui, à travers les alternances des victoires et des revers, nous avait cependant faits riverains du Rhin le long de la magnifique Alsace, et de joindre notre voix à ceux qui réclament de la victoire prochaine plus que la réparation de l’iniquité commise en 1871, à ceux qui demandent, au nom de la tradition française et pour la sécurité du pays, le Rhin de Richelieu et de la République.

Car voilà bien le problème posé à l’heure actuelle dans l’opinion publique : Reviendrons-nous, faut-il revenir à la rive gauche du Rhin, c’est-à-dire au Rhin intégral, frontière de l’Allemagne, ou bien, nous en tenant à cette frontière modérée,