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attaquée et défendue avec fanatisme, comme une sorte de dogme théologique. Ce qui ne le détourne d’ailleurs nullement de revenir à sa thèse favorite pour affirmer qu’à ce titre, elle est un produit de l’esprit classique et de la raison oratoire, parce que toutes les grandes révolutions naissent d’une forme d’esprit excessive et même maladive : or l’esprit classique qui, dans son genre, est analogue à la foi des quatre premiers siècles chrétiens, anime ses adeptes d’une croyance irrésistible et systématique à un état psychologique nouveau, original et complet, croyance telle qu’on en trouvait une toute semblable chez les Puritains d’Angleterre (à savoir la rénovation de l’homme par la grâce gratuite). L’esprit classique se trouve donc identifié dans ces lignes avec deux mysticismes bien authentiques l’un et l’autre, celui de la primitive Église et celui de la Réforme anglaise : il n’est plus guère ici qu’un autre nom, fort arbitrairement choisi, du mysticisme prêché par Rousseau.

Les notes dont nous venons d’utiliser quelques traits n’ont point passé dans le texte des Origines. Cet ouvrage renferme cependant de très précises affirmations sur le caractère religieux de l’esprit jacobin, car nous y lisons que, de l’acquis scientifique commenté par l’esprit classique, naquit une doctrine qui parut une révélation, et que la philosophie du xviiie siècle ressemble à une religion, particulièrement au mahométisme du viie siècle ou au Puritanisme du xviie. Même élan de foi, d’espérance et d’enthousiasme de part et d’autre : même esprit de propagande et de domination : même intolérance : même ambition de refondre l’homme et de modifier toute la vie humaine d’après un type préconçu. La doctrine nouvelle n’a-t-elle pas eu ses docteurs, son credo, son catéchisme populaire, ses fanatiques, ses inquisiteurs et ses martyrs ? — Cherchez donc là où il convient ses origines, répéterons-nous une fois de plus, car tout cela ne saurait être sorti de conversations de salons entre petits-maîtres, beaux-esprits et caillettes : il y faut une émotion puissante de tout l’être soulevé par la Volonté de puissance qui cherche dans l’au-delà son appui.

Taine croit pourtant constater une différence entre la doctrine des Jacobins et les mouvemens religieux auxquels il vient de la comparer. Cette différence consiste en ce que l’une prétend imposer au nom de la raison ce que les autres