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le fit Jean Bratiano, le plus célèbre des hommes d’État roumains, aurait fini par provoquer des troubles et des émeutes, seules armes laissées à l’opposition. C’est le Roi qui décidait le plus souvent, avec un sens exact de la situation, du moment psychologique où le ministère devait moralement se retirer.


II

Pour se faire une idée complète du personnage utile que joue en Europe le royaume danubien, il est nécessaire de jeter un coup d’œil sur sa richesse économique, avant d’aborder le point principal, sa situation à l’entrée des États des Balkans, et de discuter l’orientation politique que son premier souverain avait cherché à lui donner.

La Roumanie doit sa prospérité à la fertilité de son sol. Malgré une culture souvent épuisante, il a pu jusqu’à présent se passer d’engrais industriels. Les plaines voisines du Danube, nourries des alluvions du fleuve, sont sous ce rapport les plus privilégiées. Blé et maïs, la culture se concentre de préférence sur ces deux céréales, auxquelles aussi est limitée l’exportation. La surface cultivée n’a pas cessé de s’étendre, jusqu’à atteindre 6 millions d’hectares, et la valeur de la production agricole s’est élevée à un milliard et demi de francs. En 1913, l’exportation des céréales a dépassé 4 millions de tonnes[1].

Le maïs sert de nourriture aux paysans et s’exporte néanmoins en grandes quantités. Le blé, d’une qualité exceptionnelle, surtout en Moldavie, atteint une production moyenne de 30 millions d’hectolitres. C’est le principal article d’exportation. Il prend le chemin du Danube, d’où les navires de mer le transportent en Occident, tandis que des bateaux de rivière le font pénétrer en amont jusqu’à Ratisbonne. Anvers avait accaparé la majeure partie du commerce des blés roumains, plus d’un million de tonnes. L’Autriche-Hongrie venait ensuite avec un chiffre moindre de moitié. Les mauvaises récoltes sont assez rares en Roumanie, malgré la menace toujours pendante de la sécheresse. Dans l’espace de dix ans, je n’ai vu qu’un été, celui de 1899, où le blé et le maïs ont

  1. Les chiffres que j’ai l’occasion de citer sont empruntés à l’intéressant ouvrage de M. Nicolas Xénopol, ancien ministre de l’Industrie et du Commerce de Roumanie : La richesse de la Roumanie. Bucarest, 1916.