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projeter au plafond une boulette de papier mâché à l’extrémité de laquelle se balance fébrilement une silhouette découpée dans une couverture de cahier. Puis, lorsque la figurine grotesque cessé ses oscillations, une boulette lancée avec adresse la remet de nouveau en mouvement à la grande satisfaction du jeune tireur. Des aéroplanes en papier y sont également remisés jusqu’au moment propice à leur lancement. Le bureau du professeur sert parfois de terrain d’atterrissage… On y trouve de tout, mais dans un désordre tel qu’il ne peut lui-même s’y retrouver. Qui ne l’a vu à la recherche d’un devoir égaré dans un cahier de brouillon ? C’est l’heure de la classe ; la tête enfouie dans son pupitre, il bouscule tout en grande hâte, au grand détriment des cahiers et des livres qu’une bouteille mal bouchée inonde d’encre. La voix du surveillant le rappelle à l’ordre et il s’enfuit bon dernier à toute vitesse.

« Ce n’est pas l’un de ces mauvais esprits dont la seule préoccupation est de troubler une classe et d’entraver le travail de ses camarades. Ce n’est point un meneur. Il agit pour son propre compte et pour sa satisfaction personnelle. Ses farces sont de courte durée et ne portent pas préjudice au travail des autres. D’une nature droite, franche, loyale, il sait revendiquer la paternité de ses actes lorsqu’un maître commettra l’erreur de les attribuer à d’autres. Il n’a jamais permis qu’un camarade fût puni à sa place. Il sait fort bien d’ailleurs se tirer des plus grandes difficultés. Sa franchise lui vaut souvent l’indulgence. S’il est puni par un maître timoré, il se compose un visage terrible et tente de l’effrayer. Lorsqu’au contraire, il trouve devant lui un homme énergique, il plaide des circonstances atténuantes, il est tenace, persévérant, jusqu’à obtenir la punition la plus douce. Il ne garde pas rancune d’une punition qui lui est infligée avec justice. Il souffre de celle qui lui est donnée en public. S’il prévoit qu’une mauvaise note lui sera infligée un jour de lecture de notes, il se réfugie à l’infirmerie pour ne pas en avoir la honte. L’honneur n’est pas un vain mot pour lui.

« Il est sensible aux reproches. Il aime ce qui est noble, ce qui est généreux. C’est un admirateur du courage, de l’audace. Qui ne se rappelle à Stanislas son attitude fière et arrogante lorsqu’un maître le vexe devant ses camarades, ou intervient pour suspendre une querelle où l’amour-propre est en jeu ? Tous ses nerfs se tendent. Son corps se raidit, il est droit