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sauvé les pièces de la place de Valenciennes ; il est vrai que pour le même fait, Dumouriez le voulait faire pendre. La tabatière venait de l’Empereur, pour avoir commandé le passage du Rhin pendant la campagne d’Ulm.

Achille Guynemer avait eu deux fils. L’aîné, Amédée, sorti de l’École polytechnique, mourut à trente ans sans postérité. Le second, Auguste, fut, sous le second Empire, sous-préfet de Saverne ; après la guerre de 1870, retiré de l’administration, il devint vice-président de la société de protection des Alsaciens-Lorrains dont le président était le comte d’Haussonville. Il avait épousé une jeune fille d’Écosse, miss Lyon : à cette famille appartenaient les comtes de Straethmore, qui portent parmi leurs titres les noms de Glamis et Cawdor cités par Shakspeare dans Macbeth.

Des quatre fils du président de Mayence, un seul, le héros de la Bidassoa, avait laissé des descendans. Ce fils est M. Paul Guynemer, ancien officier et historien du Cartulaire de Royal-lieu et de la Seigneurie d’Offemont, dont l’aviateur était le fils unique. La race qui vient de si loin, qui se perd dans la Chanson de Roland et les Croisades, qui, fixée en Flandre, puis en Bretagne, est devenue, dès qu’elle a quitté la province pour la capitale, nomade, changeante au gré des garnisons de l’officier ou du fonctionnaire, semble s’effiler et s’affiner, condenser toute la puissance de son passé et toutes ses espérances dans un dernier rejeton.

Il est des plantes, comme l’aloès, qui ne peuvent porter qu’une fleur, et quelquefois seulement au bout de cent années. Elles rassemblent alors toute leur sève qui a si longtemps attendu. Il leur part du cœur une longue tige droite, semblable à un arbre et dont les branches régulières ont l’apparence du fer forgé. Au sommet de cette tige s’épanouit une fleur merveilleuse qui est humide et répand des pleurs sur les feuilles comme pour les inviter à la douleur à cause de la menace qui pèse sur elle. Quand la fleur s’est flétrie, le miracle ne se renouvelle pas.

Un Guynemer, c’est la fleur d’une vieille famille française. Il pouvait, comme tant d’autres héros, comme tant de paysans de la Grande Guerre qui furent le froment de la nation, prouver à lui seul sa noblesse. Mais la fée qui fut déléguée à sa naissance déposa dans son berceau quelques feuillets dorés de la