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musique des astres, lui qui devait se sentir appelé à monter vers eux. Du moins autour de ses jeunes années put-il voir s’enrouler la chaîne ininterrompue que font, de Charlemagne à Napoléon, les héros de l’histoire de France.

Georges-Marie-Ludovic-Jules Guynemer était né à Paris une veille de Noël, le 24 décembre 1894. Il a vu dès lors, il a toujours vu dans sa vie trois visages de femmes, — sa mère et ses deux sœurs aînées, — attentives à veiller sur son bonheur. Son père, officier (de la petite promotion de Saint-Cyr de 1880), avait donné sa démission en 1890. Passionné d’érudition, il appartenait à la Société historique de Compiègne, et tout en compulsant les chartes du Cartulaire de Royallieu ou écrivant la monographie de la Seigneurie d’Offémont, il vérifiait les documens qui lui avaient été transmis par ses ancêtres sur les origines de sa famille. Surtout il fut le véritable éducateur de son fils.

Guynemer est un très vieux nom français. Dans la Chanson de Roland, un Guinemer, oncle de Ganelon, lui tient l’étrier au départ. Un Guinemer figure dans Gaydon (le chevalier au geai), qui raconte le triste retour de Charlemagne à Aix-la-Chapelle après le drame de Roncevaux, et un Guillemer dans Fier-à-Bras, où l’on voit Charlemagne et les douze pairs conquérir l’Espagne : ce Guillemer l’Escot est fait prisonnier avec Olivier, Bérart de Montdidier, Auberi de Bourgogne, Geoffroy l’Angevin. Dans Huon de Bordeaux, chanson de geste qui tient de la féerie et du roman d’aventures, Huon, partant pour Babylone, mission lointaine qui lui est confiée par l’Empereur et qu’il remplira avec l’aide du nain sorcier Obéron, rencontre en Palestine, au château de Dunôtre où il doit tuer un géant, une jeune fille d’une grande beauté, nommée Sébile, qui le guide à travers le palais. Comme il s’étonne de son langage français : ’« Je suis née en France, répond-elle, et si j’ai de vous telle pitié, c’est que j’ai vu la croix que vous portez. — En quel pays ? — Au bourg de Saint-Omer, répond Sébile, je suis la fille du comte Guinemer. » Son père était venu naguère en pèlerinage au Saint-Sépulcre et l’avait emmenée. Une tempête les jeta au rivage, près de la tour du géant qui tua le père et garda la fille prisonnière. « Depuis plus de sept ans, ajoute-t-elle, je n’ai pas entendu chanter une messe. » Naturellement, Huon tue le géant et délivre la fille du comte Guinemer.