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qu’il ait seul, comme un chef d’armée, le pouvoir de laisser après lui une tristesse collective ? Un enfant de France va nous le dire.

Parmi les témoignages sans nombre de ce deuil national figure une lettre adressée par l’institutrice d’un village de la Franche-Comté, Mlle  S… de Bouclans, à la mère de l’aviateur :


« Madame, écrit-elle, vous avez eu déjà l’expression de la sympathie douloureuse et reconnaissante de la grande France, de la France officielle ; je me permets de vous envoyer l’hommage naïf et sincère de la jeune France, des écoliers de Bouclans. Nous avons, le 22 octobre (devançant l’invitation de nos chefs que nous apprenons aujourd’hui), spontanément consacré une journée au souvenir de notre héros Guynemer, votre glorieux fils.

« Je vous envoie, ci-joint, un devoir d’élève choisi au hasard, car tous sont animés des mêmes sentimens. Vous verrez que la gloire immortelle de votre fils rayonne jusque dans les humbles villages, vous sentirez quel culte d’admiration et de reconnaissance les enfans, même du fond des campagnes, ont voué à notre grand As ; ils le conserveront fidèle et pieux à sa mémoire.

« Puisse ce témoignage sincère des sentimens de l’enfance être un allégement de votre douleur, devant laquelle je m’incline profondément respectueuse.

« L’institutrice de Bouclans,
« C. S… »


Et voici le devoir du petit Franc-Comtois Paul Bailly, — onze ans et dix mois, — que la lettre annonçait :


« Guynemer est le Roland de notre époque ; comme Roland il était très vaillant, et comme Roland il est mort pour la France. Mais ses exploits ne sont pas une légende comme ceux de Roland : en les racontant exactement, c’est plus beau que ce qu’on pourrait inventer. Pour le glorifier, on va écrire au Panthéon, parmi les autres grands noms, le sien. On a mis son avion aux Invalides. Dans notre école, on lui a consacré une journée. Ce matin, en entrant à l’école, on a affiché sa photographie ; à la leçon de morale, on a appris par cœur sa