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LE CHEVALIER DE L’AIR
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GEORGES GUYNEMER[1]

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I

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PROLOGUE

— Guynemer n’est pas rentré…

La nouvelle courut, vola d’une escadrille à l’autre, de l’aviation aux troupes, de la zone de l’avant à celle de l’arrière. Et ce fut dans toute l’armée, dans toute la France, une traînée de douleur, comme si, parmi tant de soldats exposés à la mort, celui-là dût seul être immortel.

De telles douleurs unanimes l’histoire nous offre des exemples, mais ce sont des chefs que l’on pleure, et le regret de leur perte s’accroît de leur autorité et de l’importance de leur mission. Ainsi Troie, sans Hector, se découvre-t-elle sans défense. Quand un Gaston de Foix, duc de Nemours, surnommé le Foudre de l’Italie, meurt à vingt-trois ans, après la victoire de Ravenne, nos conquêtes transalpines sont menacées. Le boulet qui frappe un Turenne à Saltzbach atteint le solide édifice construit par Louis XIV. Mais un Guynemer ne commande que son avion. Il est un point perdu dans l’immense espace que la guerre occupe. Ce jeune capitaine, s’il est sans égal dans le ciel, ne conduit pas, sur terre, la bataille. D’où vient donc

  1. Copyright by Henry Bordeaux, 1918.