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quel rite et en n’importe quelle langue. Un autre journal anglais, les Daily News, soulève à ce sujet une question intéressante. « Importante, prévoit-il, sera la réaction que causera cette nouvelle dans les autres pays, chrétiens et mahométans, mais nulle part elle n’aura d’écho plus sonore qu’en Russie. Nous ne pouvons savoir l’effet que produira la prise de Jérusalem sur un peuple aussi sensible que les Russes aux impulsions religieuses, mais cette nouvelle ne peut guère manquer de jouer un rôle important à une époque ouverte à tant d’éventualités. Il y a lieu d’espérer qu’elle activera la renaissance de la véritable Russie. » Souhaitons-le. Dans la presse italienne, le Corriere d’Italia, organe catholique, a publié le même jour deux articles qui n’étaient pas tous deux du même ton, l’un plus modéré que l’autre. Le plus modéré constatait : « Tout cœur chrétien doit exulter de la prise de Jérusalem, reconquise par les armes chrétiennes sur l’ennemi traditionnel du nom chrétien. Nous voulons croire que, même parmi les alliés des Turcs, il n’est pas de chrétien qui pourra refuser, au moins dans le secret de son cœur, de s’associer à cette joie qui salue la délivrance des Saints Lieux où vivent les souvenirs du Rédempteur. » Tous les journaux de Rome ne sont pas aussi charitables. « C’est un fait exécrable, s’écrie l’Idea nazinnale, que deux nations européennes, l’une qui est chrétienne, l’Allemagne, l’autre qui est catholique, l’Autriche, aient tenté d’empêcher l’événement magnifique qui vient de s’accomplir. On lira dans leurs annales et dans celles de l’humanité que, le jour où les armées européennes et chrétiennes ont repris Jérusalem aux infidèles, l’Allemagne chrétienne et la catholique Autriche étaient alliées des Infidèles, et que leurs engagemens de guerre les obligeaient à faire tout leur possible pour que la Ville Sainte restât aux mains des Infidèles. »

Cependant, elle aussi, l’Allemagne, en adoptant et en gardant cette attitude, est dans le fil de son histoire. Elle aussi, elle eut sa croisade, la sixième, qui fut conduite, et ce n’est pas banal, par un empereur excommunié, Frédéric II de Hohenstaufen, lequel eut, de ce fait, à combattre contre les Chrétiens plus que contre les Infidèles, et par qui Jérusalem fut achetée ou négociée plus qu’elle ne fut reconquise. C’était un précédent, sinon un exemple. Les modernes ont fait davantage. Dans une vieille prophétie orientale, que rapporte un ouvrage arabe intitulé : « Le second avènement de Mahomet sur la Terre,  » il est dit entre autres choses que les Turcs s’allieront avec « une nation hostile à l’Europe, » mais que, déconfits, ils seront contraints à abandonner Constantinople et l’Asie-Mineure pour se