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et dans l’écheveau de laquelle je préfère ne pas m’aventurer. Je me contente de noter au passage de belles scènes, celle par exemple qui met en présence le maréchal-duc et la Princesse, le vainqueur et sa prisonnière. Il faut savoir beaucoup de gré à M. Porche du tact avec lequel il a composé son personnage du maréchal-duc : il l’a fait odieux, il ne l’a pas fait ridicule ; il en a tracé non pas une caricature, mais un portrait, — portrait effrayant par lequel, toute prisonnière qu’elle est, ne se laissera pas effrayer une princesse qui porte en elle l’âme et les destins de la France. En revanche, je voudrais effacer de la pièce de M. Porche les vers que débite la Finette sur la tombe d’un soldat allemand. Elle vient de s’agenouiller sur deux de ces pauvres tertres qui abritent le dernier sommeil de nos héros. Elle déchiffre sur une troisième croix un nom boche. Eh bien ! dit-elle, dormez tous « bercés du même vent plaintif, » dormez, à ce point détachés de la terre, « que vous ne sachiez plus haïr… » Non, non, mille fois non ! La plainte ne saurait être la même pour ceux qui ont envahi le sol de la patrie et pour ceux qui l’ont défendu. La dépouille des nôtres est sacrée ; celle de l’étranger, venu pour massacrer nos enfans et incendier nos villes, souille le sol français et n’y est tolérée que par respect pour la mort. Non, le besoin ne se fait aucunement sentir de s’apitoyer sur les Boches ! Mais nous avons été, aux années qui ont précédé la guerre, si infectés de virus humanitaire, que les meilleurs n’en ont pas été indemnes, et qu’aujourd’hui encore l’horreur elle-même de la réalité n’a pu complètement nous en guérir.

La pièce se relève et se ranime à l’épilogue ; le dernier tableau, repris dans les tons clairs, est très brillant et fait un juste pendant à ceux du premier acte. L’ennemi n’est pas encore définitivement réduit, mais il a manqué son coup ; l’échec de ses mauvais desseins est certain : l’activité peut renaître dans le pays libéré. Donc, la Finette entonne une sorte de « Chanson des métiers : »


Blouses blanches, cottes bleues,
Pantalons de gros velours,
Usiniers de mes banlieues,
Gens des vignes aux pieds lourds…


François Miron se charge de rassembler tous ces bons travailleurs des villes et des campagnes :


Et puis gravement, selon la coutume,
Nous boirons un verre entre compagnons.