Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs qu’un agent subalterne : le chef est ce maréchal-duc qui va, l’heure étant venue, déclencher l’attaque brusquée. L’espionnage a préparé les voies : l’armée peut suivre, et nous entendons déjà le pas lourd et rythmé de l’invasion.

Puis, la lumière reparaît, éclairant les danses et les jeux dans le parc de la Princesse ; au moins, voilà un monde où l’on ne s’ennuie pas ! Mais quelqu’un trouble la fête, une voix gronde qui est celle du canon, et les vieux de 1870 ne s’y trompent pas. Alors, c’est de toutes parts, un élan magnifique, une improvisation splendide. Tous accourent pour la défense de la Princesse, tous et toutes, les fils et leurs mères, les maris et leurs femmes, ceux de toutes les provinces et ceux de toutes les classes. Elle, pour les remercier et pour les exalter, leur adresse ces paroles enflammées :


Ah ! mes fils, comprenez, en cette heure fatale,
Que j’exige de vous la reprise totale,
Le sacrifice entier, sans retour, sans regrets !
C’est l’été, l’oiseau chante et la lumière brille ;
Mais j’arrive, et je hurle en vous montrant les cieux :
« Renoncez, pour me suivre, à cette splendeur claire ! »
Et tels sont mes besoins, ma hâte et ma colère,
Que ce renoncement, il me le faut joyeux !


Le dernier trait est superbe, et, à la façon dont Mme Simone l’a lancé, il a fait passer un frisson dans toute la salle…

La pièce pouvait-elle se maintenir à cette hauteur ? Et d’où vient que la suite n’en ait plus ni le même éclat ni le même mouvement ? Un ami de l’auteur me suggère cette remarque : « Ne voyez-vous pas que cette allégorie de la guerre est, comme il convient, à la ressemblance de la guerre elle-même ? Rappelez-vous l’enthousiasme des premières semaines, la fièvre de la mobilisation, l’universel élan du patriotisme, et les splendeurs de la Marne ! Puis la guerre s’est arrêtée, figée, enlizée : des mois et des années, il a fallu tenir, seulement tenir. Pourtant, le mérite n’a pas été moindre, car l’endurance vaut l’allant et nos troupes n’ont jamais été plus admirables que par cette longue patience et cette simplicité dans la résolution et cette volonté de dévouement jusqu’au bout. » L’explication est ingénieuse : je la donne pour ce qu’elle vaut. Je croirais plutôt que M. Porche a eu tort de chercher à faire une vraie pièce, une pièce de théâtre avec une intrigue de théâtre, au lieu de se borner à nous présenter une succession de tableaux. Il y a dans les Butors et la Finette une histoire d’écluse et d’inondation fort embrouillée