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De la haute colline aux abruptes montées
Le vent d’été descend sur la cime des pins.
       Dans le pré les trois cents poulains
       Ont les oreilles éventées.


Elle sait aussi se servir du mystérieux pittoresque des superstitions populaires, comme celle qui attribue au renard les plus étranges maléfices :


Sur la colline en fleurs le printemps est en fête.
Mais dans le bambou creux l’eau du jardin s’arrête.
Le seigneur qui le voit hoche la tête et dit
       Que c’est un sort du Renard de la nuit.


Et sa fantaisie se déploie dans ses vers avec la rapidité d’un coup d’aile :


J’entendis mes cheveux que je peignais bruire
            D’un bruissement harmonique,
             Comme les cordes d’une lyre.
Viens y jouer, ô vent, si tu sais la musique !


Mais sa grande originalité est surtout de sortir de l’indécision et de l’impersonnalité où s’efface d’ordinaire la figure des poètes japonais. On distingue la sienne ; on devine son âme et son tempérament. Elle puise dans ses souvenirs intimes. Elle nous fait des confidences. Elle nous avoue qu’aux premières heures de son amour « elle a versé des larmes plus brûlantes que pour son pays natal. » Elle a des emportemens, des cris de passion, des défis jetés aux parens et aux règles « qui comptent peu quand on aime. » Elle dira : Que tu es bizarre, mon cœur ! As-tu acheté et bu du vin aigre ? Ou encore :


J’ai crié d’un cœur noir par un jour d’automne :
Que le pic là-bas
Déchire le tympan de qui m’abandonne
Et ne m’entend pas !


Elle réclame enfin le droit d’être fière de son amour et de sa douleur : Je porterai fièrement mes cheveux qui blanchirent à force de t’attendre ! Ce sont là des nouveautés dans la poésie du Japon. Par quel charme Mme  Yosano fait-elle tenir ces petits aiglons arrachés aux nids européens dans des cages d’insectes japonaises ?