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Palais. Cette vision des rafraîchissemens de l’été nous reporte au temps où les empereurs occupaient leur mystérieux palais de Nara ou de Kyoto. Traduite ainsi, que nous dit-elle ? Et que nous disent ces autres vers : Dans la galerie tournante, une trentaine de cavaliers se rangent du côté de l’Ouest, les joues rouges ? Ils suggèrent une « symphonie en rouge » aux Japonais qui savent que la galerie est laquée de rouge, que ces cavaliers sont cuirassés de laque rouge et que, si leurs joues sont rouges, c’est que le soleil se couche. J’ai essayé de traduire en vers quelques-unes de ces poésies. Elles y perdent beaucoup de leur concision. En voici une qui nous donne la sensation de la présence d’une femme aux cheveux dénoués, princesse ou impératrice, seule, le soir, dans une salle ouverte sur un jardin.


Le trône et le toit lourd sur le jardin sans bruit :
Entre le clair de lune et la lampe qui luit
Flottent des cheveux noirs et l’ombre de la nuit.


Lorsque Mme Yosano revient au temps présent, son impressionnisme a quelque chose de plus délicat et de plus coloré que celui des autres poètes et aussi de plus mélancolique :


             Devant ma table de toilette,
Quand j’ouvre au vent de la mer, j’aime à voir,
             Comme la vague se reflète,
             Et ondule dans mon miroir.


Ou encore :


            Vois : la saison s’est enfuie
Qui revient après l’hiver ;
             L’ombre du grand phare est violette, et la pluie
             Fine tombe sur la mer.


Ou encore cette évocation d’une prière devant l’autel domestique :


             C’est l’automne et le soir :
             Une forme assombrie
             Est immobile et prie.
Un filet d’encens grimpe autour des cheveux noirs.


Elle connaît l’art d’évoquer quelque chose de large et de puissant par le simple détail qui en indique l’effet. (Ne tenez compte ici que des deux derniers vers) :