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Henri IV entre dans la vie publique. Le 2 mars 1830, en effet, le Duc de Nemours, prince du sang et, en cette qualité, Pair de France, prête serment devant la Chambre des Pairs. Son frère aîné sert déjà dans l’armée, Le Moniteur Universel du 25 août 1829 nous apprend que Mgr le Duc de Chartres, colonel du 1er régiment de hussards, accompagné de M. Baudrand, son aide de camp, part pour le camp de Lunéville où S. A. R. fera les grandes manœuvres de cavalerie. Ingres a perpétué pour nous, quelques années plus tard, le souvenir des beaux traits et de la taille élégante de ce jeune Prince. Le comte Apponyi raconte qu’à la fin de la Restauration, il allait beaucoup dans le monde, et avait su triompher par sa bonne grâce, dans le faubourg Saint-Germain, de certaines préventions.

Le Duc d’Orléans aimait les livres et avait chargé du soin de sa bibliothèque Casimir Delavigne : le chantre des Messéniennes, disait-on alors. Il aimait aussi les arts ; les œuvres de Gros, Girodet, Gérard, Drolling, Géricault, Horace Vernet ornaient sa maison ; et ces peintres distingués en étaient souvent les hôtes. La princesse Marie, dès l’âge de douze ans, dessinait, avec les conseils d’Ary Scheffer : le professeur a raconté[1] dans ses lettres combien il avait été frappé de l’intelligence et du talent précoce de l’élève. Elle imaginait et composait d’une façon charmante, mais se désolait de ne pas posséder la science du dessin. Et moi-même, écrit le peintre, « las de redresser des bras cassés et des jambes tordues, je l’engageai à essayer de la sculpture. » Réflexion bizarre, les bras cassés et les jambes tordues n’étaient pas moins contraires à l’idéal sculpturale Scheffer, esprit très littéraire, poète plein de séduction, mais fort loin de dessiner comme Ingres ou comme Degas, devait s’entendre à merveille avec une jeune princesse douée elle-même de plus de sentiment et d’imagination que de science. En fait d’invention, elle a égalé son maître. Le bas-relief qui représente le réveil du poète est une création pleine de charme et d’émotion. Il se lève de sa tombe, au passage de la femme qu’il a aimée : toutes celles qu’il a chantées disparaissent dans le lointain comme des fantômes !

La Jeanne d’Arc est une œuvre célèbre ; non pas celle qui retient son cheval à la vue d’un soldat mort et pleure sur

  1. Grote’s Life of Ary Scheffer, p. 44.