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L’année 1814 arrive ; les frères de Louis XVI rentrent en France ; l’ancienne dynastie est acclamée. Le 20 avril avaient eu lieu les adieux de la vieille garde dans la Cour de Fontainebleau. Trois jours plus tard tous ces événemens étaient encore ignorés à Palerme. Un navire anglais entre enfin, porteur de la grande nouvelle ; et le Duc d’Orléans est appelé à l’hôtel de la Marine, demeure de l’ambassadeur. Il y trouve le capitaine anglais, mis à sa disposition par l’amiral Bentinck, qui vient de s’emparer de Gênes. Il court chez le roi Ferdinand qui s’écrie : « Que tous mes canons célèbrent cette journée ! Remercions Dieu, la face contre terre ! » Et il s’embarque à la hâte, toute autre pensée cédant à la joie de revoir, après plus de vingt ans, sa Patrie.

Il arriva à Paris le 18 mai, et se logea dans un hôtel, rue Grange-Batelière. Le Palais-Royal était sous séquestre ; et le suisse fit quelques difficultés pour laisser entrer un inconnu en proie à une étrange émotion.

Il se présenta aux Tuileries et fut accueilli par ces paroles obligeantes du Roi : « Vous étiez lieutenant-général, mon cousin, il y a vingt-cinq ans. Vous l’êtes encore. » Il n’avait été nommé lieutenant-général qu’après Valmy ; il n’avait pas encore vingt-deux ans de grade, mais le Roi commettait, sans doute à dessein, une erreur de date.

L’accueil est cordial ; celui du Comte d’Artois est tout à fait amical. Ce prince rappelle à Louis-Philippe qu’en 1802 ils ont assisté l’un et l’autre à une revue de l’armée anglaise. « Vous portiez l’uniforme de lieutenant général des armées républicaines. — Tout arrive, répond gaiement le Duc d’Orléans. Qui m’eût dit que je vous verrais, comme aujourd’hui, en tenue de commandant de gardes nationales ? » « Qui eut pu prévoir, a écrit La Fayette, que M. le Comte d’Artois ne rentrerait en France que sous cet uniforme ? »

Le général est à Paris en 1814 et sera l’un des premiers Français avec qui le Duc d’Orléans voudra s’entretenir. Délivré des prisons de l’Autriche par un article spécial du traité de Campo-Formio, il était allé remercier le Premier Consul, mais sans se laisser séduire. Il avait refusé le Sénat, repoussé l’offre d’une ambassade aux États-Unis, disant : « Je suis trop Américain ; je ne peux pas retourner dans ce pays-là en étranger. » Il avait critiqué la Constitution de l’an VIII, trop