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tranchée allemande de couverture. Il ne fallait pas attendre que l’ennemi eût achevé son organisation, et tel était bien aussi l’avis du capitaine. Mais il fit observer « que l’inondation l’empêchait d’attaquer autrement que par la route et que, sur la route, il ne pouvait mettre en ligne qu’une dizaine de marins. » Or, les Allemands, « fortement retranchés à la barricade et dans le cimetière, tenaient nos tranchées sous une fusillade presque ininterrompue, qui eût fauché inévitablement, avec le concours de leurs mitrailleuses, les vagues d’hommes successives envoyées à l’assaut. » En conséquence, le capitaine de la 3e compagnie, avant de passer à l’attaque, croyait devoir solliciter « l’appui de la batterie du capitaine Boueil » et demandait qu’on donnât l’ordre à cette batterie d’ouvrir le feu sur la barricade et le cimetière, objectifs précis qu’on avait toute chance d’atteindre, grâce aux renseignemens apportés par le fusilier Laplanche. Jusque-là, notre tir s’égarait sur le village et frappait au hasard. Cette fois, les Allemands ne pourraient recourir à leur méthode habituelle, consistant à se terrer pendant le bombardement pour regarnir ensuite les points bombardés : le tir les frapperait dans leurs tranchées mêmes.

Ce fut, en effet, ce qui arriva. « Affolés » par la précision de notre feu, les Allemands se replièrent en désordre vers l’église. Le second-maître Cévaer n’eut qu’à faire passer les hommes de notre tranchée avancée dans la tranchée allemande de couverture, qu’ils retournèrent et organisèrent aussitôt sous sa direction. En même temps, une escouade, appelée de la levée de terre, venait garnir notre ancienne tranchée de première ligne. Tout cela se fit comme à la manœuvre et au coup de sifflet des maîtres, sans nous coûter un seul homme.


V. — LA PRISE DE SAINT-GEORGES

Les heures de Saint-Georges désormais étaient comptées. Bloqué, au nord par les chasseurs, dont la mitrailleuse, installée dans la Maison du Passeur, prenait la levée d’enfilade, à l’Ouest et au Sud par les marins qui avaient fait tomber sa tranchée de couverture, l’ennemi ne gardait plus qu’une étroite ligne de repli à l’Est, vers le pont de l’Union. Son investissement était presque complet dans la soirée du 27, et le commandant de Jonquières reçut l’ordre d’attaquer