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solennellement M. Woodrow Wilson, qui termine : « Les yeux du peuple sont ouverts et ils voient. La main de Dieu est tendue sur les nations. Il leur montrera sa grâce, je le crois pieusement, seulement si elles s’élèvent vers les lumineuses hauteurs de sa propre justice et de sa propre miséricorde. » Les hommes d’État de la vieille Europe, « en cette heure de midi de la vie du monde, » n’ont pas coutume de s’exprimer ainsi. Peut-être aussi avons-nous le tort de nous en tenir, pour les morceaux de doctrine, à des versions trop littérales, et une véritable traduction voudrait-elle une transposition, quelquefois un commentaire. Qu’on se souvienne de deux des messages précédens, celui du 2 avril et celui du 22 janvier 1917, au fond identiques au dernier. Notre première impression ne fut pas sans mélange; cependant l’homme qui les avait écrits est le même qui devait tout de suite ou bientôt déclarer la guerre à l’Allemagne. Qui sait si ces périphrases qui nous embarrassent ne sont pas simplement des précautions oratoires, à l’usage du peuple américain, que, tout juriste et piétiste qu’il est, le président Wilson connaît et manie supérieurement ? Quant à ce qui est de ses idées sur l’Europe et aux perspectives qu’il lui plaît de s’ouvrir sur les progrès d’un peuple allemand délivré du militarisme et transformé par la démocratie, il nous sera permis de remarquer qu’il ne voit l’Europe qu’à travers l’Atlantique, tandis que nous sommes, à cru et à vif, au contact de l’Allemagne, dont le naturel n’a pas changé depuis le commencement et ne changera pas jusqu’à la consommation des siècles. C’est ce qu’il ne réfugiera point d’entendre. Il nous a déjà entendus. On s’est étonné que M. Wilson, entre les réparations que la paix apportera, n’ait pas mentionné l’Alsace-Lorraine. L’unique raison de ce silence est, nous croyons pouvoir l’assurer, que le jugement du Président et le jugement du peuple américain sont à présent fermes, définitifs et inébranlables là-dessus. Ils ne connaissaient qu’imparfaitement cette question, qui était pour eux une question lointaine ; dès qu’ils l’ont mieux connue, ils l’ont tranchée selon la justice et le droit. Le droit et la justice sont des choses qui vont sans dire.

Mais, de tout ce que dit M. Woodrow Wilson, voici, en plein relief, ce qu’il faut retenir, ce qui (donne au message présidentiel son accent et son caractère. A deux reprises, avec une énergie redoublée, il en fait le serment : « Notre objet est de gagner la guerre, et nous ne faiblirons pas, nous ne souffrirons pas d’en être détournés jusqu’à ce qu’elle soit gagnée. » Et encore : « Qu’il n’y ait pas de malentendu. Notre tâche présente et immédiate est de gagner la guerre, et rien ne