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le testament du père, et si l’indivision semble préférable à l’un des cohéritiers, il la peut imposer par sa volonté seule -a tous les autres, mais pour cinq années seulement, et ces dérogations encore sont restreintes aux minimes propriétés qui ne dépassent pas un hectare d’étendue et 8 000 francs de valeur[1]. En somme, ces repentirs qui, s’ils eussent été larges et définitifs, auraient amélioré la condition de nos paysans, ont été des infidélités minuscules, donc inefficaces, aux erreurs maintenues comme principes, et dans ces tentatives fragmentaires et contradictoires, rien n’est complet sinon l’anarchie de doctrine où s’agitent ceux dont la volonté est notre loi.

Enfin la guerre, qui ne permettait plus à personne de méconnaître l’importance du nombre, a fait ce miracle d’obtenir au plus méconnu, au plus bafoué des services publics, à la paternité, quelques égards et un peu de respect. En 1915, étaient rappelés dans leurs foyers les pères de six enfans. Il fallait la défaveur où était tombée la famille pour qu’on tardât tant à lui rendre son chef. Mais il était rétabli dans sa magistrature domestique, dans sa dignité nationale : de l’aveu de l’Etat, le père avait une mission égale, supérieure même à celle du combattant. Il était parti accompagné par l’ironique sourire qu’on donne aux dupes, il revenait reçu par les foyers moins féconds avec envie et par l’opinion avec déférence. Ménager la fécondité présente n’était pas assez, il fallait veiller sur la fécondité future. Le gouvernement s’est avisé soudain qu’il la faut défendre dès le sein de la mère et contre la mère elle-même ; il a eu des paroles menaçantes contre les avortemens qui enlèvent chaque année à la France le tiers des enfans conçus, il a songé à gourmander par des circulaires la mollesse des magistrats, il a projeté de retirer ces affaires au jury devenu par trop d’acquittemens un complice plus qu’un juge. Il semblait qu’il voulût mettre un terme aux manœuvres plus destructrices encore des naissances que les avortemens, à la propagande contre la conception, à l’enseignement pratique de la stérilité. Là seraient de vrais remèdes. Si les 300 000 êtres annuellement tués dans le sein de la mère en sortaient saufs, et si les êtres plus nombreux que tant d’époux se refusent à créer étaient admis à vivre, 1000 000 de nouveau-nés au moins

  1. Loi du 12 avril 1906.