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paysans résiste à la dépopulation, que le peuple des ouvriers la précipite. Elle a vu que le paysan, sans se concerter avec personne, fait obstacle par son sens traditionnel et son obstination silencieuse aux mesures pulvérisatrices du foyer, du domaine, garde la vie à la terre et aux travailleurs de la terre. Elle a vu que l’ouvrier a abdiqué entre les mains de chefs qui font la loi au prolétariat et qui, la recevant eux-mêmes des influences étrangères, cherchent à détruire à la fois, par le collectivisme dans les biens et par la stérilité dans les familles, notre passé et notre avenir. Les nihilismes désespérans de l’ouvrier ont instruit les plus cultivés et les plus sages de la bourgeoisie à réfléchir que pour être si insensé il devait être très malheureux, à se demander dans quelle mesure elle était responsable, à comprendre qu’elle serait la plus atteinte par les dépossessions socialistes, à conclure qu’elle les devait devancer par ses initiatives, rendre à l’ouvrier l’existence assez tolérable pour qu’il l’accepte et la transmette. La sagesse du paysan a fini par étendre jusqu’à l’Etat, devenu par l’intransigeance des préjugés égalitaires l’aveugle ennemi de la race, quelque lueur des réparations opportunes. L’initiative privée voudrait combattre par des réformes la stérilisante idolâtrie des ouvriers pour la loi, et la loi voudrait, au profit du paysan, se modifier elle-même : qu’ont-elles produit ?

Le sort des ouvriers si longtemps abandonnés à ses pires chances comme à des fatalités qui n’accusaient personne, commence à rencontrer une bienveillance consciente qu’elle ne se débarrassera pas de sa tâche envers eux par des aumônes. On répugne à mêler une apparence de mendicité à ce qui doit être un labeur de justice, un relèvement de condition. C’est surtout à l’hygiène qu’on emploie pour l’ouvrier l’argent, sans le lui donner. On a compris combien, pour la foule entassée dans les villes et contrainte aux travaux épuisans de l’industrie, l’insuffisance malsaine des demeures est funeste. Des patrons, des sociétés bienfaisantes, çà et là des municipalités, élèvent des habitations saines, et fortifier la santé des ouvriers c’est préparer la venue des enfans. On ne s’était pas avisé d’abord d’y réserver aux familles nombreuses la préférence, mais cette préférence de plus en plus leur appartient. Depuis 1913, la ville de Paris offre des logemens aux familles d’ouvriers qui ont au moins quatre enfans. A Paris et à Lyon, des sociétés particulières