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locaux (le Progrès d’Athènes, 13 juin). Après une longue discussion entre civils et militaires, on décide que la population de la capitale sera convoquée au son des cloches, afin d’empêcher par tous les moyens le départ du Roi.

Le lendemain matin, la foule n’a fait qu’augmenter. Une proclamation du Roi annonçant son abdication et son départ est affichée dans les principales rues. On se presse pour la lire. La grande place de la Constitution, devant le palais royal, est grouillante de monde ; les épistrates y dominent ; on parle, on crie, on gesticule. Les esprits se montent, les manifestans s’excitent : les voitures qui emmèneront le Roi devant nécessairement passer par cette place, on décide de les arrêter.

Vers onze heures du matin, arrive le Métropolite, qui se rend au palais pour la prestation de serment du prince Alexandre. La foule se porte instinctivement vers lui et l’empêche de passer : même, on brise les vitres de sa voiture. Le Métropolite est obligé de rebrousser chemin, de faire un long détour et d’entrer au palais par une porte de service. M. Stratos, qui avait assisté la veille au Conseil de la Couronne, est aperçu par des manifestans : il est aussitôt entouré, injurié et quelque peu houspillé. On lui reproche violemment de s’être déclaré la veille pour le départ du Roi. Il essaie de prononcer un discours pour se défendre, mais on ne le laisse pas parler.

Sans prendre au tragique ces manifestations, il importe cependant d’en tenir compte, et surtout de ne pas les laisser grossir sous peine de fâcheux incidens. Le roi Constantin, la reine Sophie, n’avaient rien épargné pour se rendre populaires dans la capitale. Faveurs de toutes sortes, distributions en argent et en nature, au moment le plus critique du blocus, sans parler des dizaines de millions dépensés trente mois durant par la propagande allemande, avaient servi à constituer une nombreuse clientèle de royalistes dévoués. Il y a là, tout préparé, le noyau d’un soulèvement.

M. Jonnart s’est, dès la veille au soir, transporté de Keratsini au Pirée sur Le Bruix pour être tenu, heure par heure, au courant de tout. Il décide d’agir sans retard. Dès le matin, il envoie M. Robert David auprès de M. Zaïmis pour lui demander de presser le plus possible le départ du Roi et de faire dégager par la police les abords du palais. Vers deux heures et demie, deuxième visite de M. Robert David, qui a l’ordre de tenir un